Le gouvernement songe à bloquer les citoyens qui se mobilisent pour exiger des référendums.

Un avant-projet de loi est à l'étude actuellement et il dresse déjà des groupes d'intérêts les uns contre les autres. Les notaires y voient même une incitation à la «magouille» dans les municipalités.

L'avant-projet de loi sur l'aménagement durable du territoire et l'urbanisme prévoit la mise en place de zones franches, dédiées à des projets conformes aux principes de développement durable. Dans ces zones, le recours à un référendum ne serait pas permis à ceux qui s'opposent aux projets.

Selon le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, ce sont les maires des grands agglomérations qui demandaient un geste fort en faveur du développement durable.

«(Les maires) m'ont dit: «Si vous croyez sincèrement au développement durable, il faut aller vers la densification, a expliqué M. Lessard en entrevue récemment, en marge de la commission parlementaire qui étudie l'avant-projet de loi. Fini, l'étalement pour faire de l'étalement.»

Densifier signifie monter en hauteur, a rappelé le ministre, en faisant référence aux exemples européens. Au risque de déplaire à des voisins.

«Je comprends qu'il y en a qui veulent des terrains de 300 pieds de façade par 400 pieds de profondeur et qui ne veulent pas (de projets de densification) dans leur cour, mais honnêtement, quand il y a des terrains disponibles, (l'étalement) n'est pas l'objectif visé.»

Aux yeux des notaires, l'avant-projet de loi «va trop loin». Selon leur ordre professionnel, qui a comparu en commission parlementaire, les citoyens qui vivent dans le voisinage n'auront plus un mot à dire sur les projets, tandis que ceux qui vivront dans la zone pourraient voir les règles changer sans pouvoir s'opposer.

Il n'y aura plus de garde-fou et la porte est ouverte pour l'arbitraire quand on veut aller trop vite, a convenu le représentant de la Chambre des notaires, François Frenette, qui a déposé un mémoire.

«Si on peut changer les règles du jeu rapidement dans les zones franches sans aviser la population, il me semble que c'est favoriser le genre de magouilles qu'on voit dans les municipalités depuis un bout de temps et contre lesquelles tout le monde demande des commissions d'enquête, a déclaré Me Frenette dans une entrevue téléphonique lundi. (...) Quand on permet tout, on finit par tout avoir, parfois même le pire.»

Si le concept de zone franche est retenu dans le projet de loi, les notaires devront mettre en garde les acheteurs du risque qu'ils courent dans le secteur visé. La Chambre recommande carrément de renoncer aux zones franches et d'appliquer les mécanismes de la consultation prévus selon les règles de l'art.

De leur côté, les entrepreneurs en construction ont manifesté leur soutien aux zones franches en commission parlementaire.

«Ça arrive d'avoir de l'opposition d'un petit groupe de citoyens (à des projets), alors cette innovation (la zone franche) est drôlement intéressante», a commenté le directeur des services économiques et des affaires publiques de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ), François Bernier, dans un entretien téléphonique lundi.

Les entrepreneurs veulent même aller plus loin: les zones franches ne devraient pas seulement être réservées aux projets de développement durable. Les élus locaux devraient pouvoir élargir les vocations admissibles.

«Qu'on garde simplement l'idée d'une contribution très grande à l'économie, à la santé locale, a-t-il évoqué en exemple. C'est (aux élus locaux) de porter la responsabilité politique, d'en subir les conséquences.»

Le ministre est resté prudent, voire réfractaire aux voeux de l'APCHQ. «On nous demande de faire plein de zones franches un peu partout, ce n'est pas notre objectif», a-t-il affirmé.