Les péquistes sont fébriles. Le coup d'encensoir de Jacques Parizeau au chef bloquiste Gilles Duceppe a ranimé les spéculations sur la capacité de Pauline Marois de rassembler les souverainistes.

Mais ce soir, l'ancien ministre Joseph Facal va indirectement aider son ancienne collègue en refroidissant ceux qui le voient parmi les fondateurs d'un nouveau parti politique.

Devant les membres de l'Action nationale, au Lion d'Or, l'ancien ministre de Lucien Bouchard prendra ses distances du projet de parti politique que caresse François Legault, selon des sources de la mouvance souverainiste.

En entrevue avec La Presse, l'ancien chef péquiste Jacques Parizeau n'a pas été tendre à l'endroit de la démarche de François Legault. «J'en ai vu tellement, des mouvements partir comme ça. Pendant quelque temps, l'enthousiasme fait dire: «C'est nouveau et merveilleux.» Et six mois plus tard, c'est disparu!»

L'approche de M. Legault, qui veut reporter à plus tard la question nationale pour régler des problèmes plus urgents, est selon lui vouée à l'échec. «La question nationale, on la laisse de côté et on fait comme si les libéraux n'étaient pas fédéralistes. Cela n'a pas d'avenir, faire comme si cela n'existait pas», soutient M. Parizeau.

Sondages

Selon les sondages, l'initiative de François Legault ferait surtout mal au Parti québécois, dont il attirerait les militants moins pressés pour la souveraineté et insatisfaits du leadership de Mme Marois.

M. Facal, qui enseigne à HEC Montréal, compte bien continuer dans cette voie. Il reste convaincu que la souveraineté est nécessaire, mais constate que les électeurs n'en veulent pas.

Le politologue Jean-Herman Guay, qui a analysé l'ouvrage publié par Facal l'an dernier et qui était présent au premier rassemblement du groupe, au mois de septembre, observe des différences entre MM. Facal et Legault.

Les deux hommes, bien sûr, veulent prendre des distances avec le courant social-démocrate du PQ. Mais l'attitude de Joseph Facal face à la souveraineté est «plus complexe» que celle de Legault, qui, bien que souverainiste, est prêt à repousser la démarche pour faire autre chose, résume l'universitaire.

La Presse a aussi appris, de sources proches du mouvement, que M. Legault a passablement de difficulté à attirer des gens connus de la mouvance fédéraliste dans son groupe de réflexion.

Désaveu de Pauline Marois?

Dans une entrevue qu'il a accordée à Radio-Canada à l'occasion du 15e anniversaire du référendum de 1995, Jacques Parizeau, qui était président du comité du Oui, a rendu hommage à Gilles Duceppe pour sa défense de la souveraineté. Il n'en fallait pas plus pour que des péquistes y voient un désaveu de Pauline Marois. Bernard Landry aussi a salué le travail de Gilles Duceppe la semaine dernière.

«M. Parizeau n'a pas à s'inquiéter, a dit hier Mme Marois. Je travaille activement à réaliser la souveraineté. Gilles (Duceppe) fait un excellent travail de promotion et, surtout, lui et moi travaillons main dans la main à faire en sorte qu'on atteigne l'objectif. C'est celui de se donner un pays et de faire la souveraineté du Québec.»

M. Duceppe a lui aussi tenu à rassurer Jacques Parizeau quant à ses convictions souverainistes, les siennes comme celles de sa collègue péquiste.

«Il y a deux partis qui portent l'idée de la souveraineté, le Bloc et le PQ, a dit M. Duceppe. Il y a deux chefs à la tête de chacune de ces formations, Pauline Marois et moi. On travaille tous les deux avec le même objectif de faire du Québec un pays. On le fait en des lieux différents, sur des théâtres d'opérations qui sont différents, nous à Ottawa et Pauline Marois à Québec.»

Que M. Parizeau encense l'un ne signifie pas qu'il critique l'autre, a poursuivi M. Duceppe. «Moi, quand je lance des compliments à quelqu'un, je ne dénigre pas les autres pour autant», a-t-il lancé.

Les deux chefs souverainistes ont d'ailleurs convenu de se rencontrer cet après-midi, au cabinet de Mme Marois à la Place Ville-Marie, pour accorder leurs violons après les déclarations de M. Parizeau.

Des flèches contre le PQ

De son côté, le premier ministre Charest n'a pu s'empêcher d'y aller de flèches faciles contre le PQ et Mme Marois. Il a fait des gorges chaudes des bons mots de M. Parizeau à l'endroit du chef bloquiste. Selon lui, M. Parizeau s'ajoute à une longue liste de souverainistes qui se dissocient progressivement de Mme Marois.

«Tout cela va dans le sens de ce que j'entends et de ce que je vois au sujet de Mme Marois, qui semble de plus en plus isolée. Je constate les divisions profondes au PQ», a dit le premier ministre lors d'un point de presse à la Citadelle de Québec.

Les interventions et les prises de position récentes de M. Parizeau, de sa femme, Lisette Lapointe, de Bernard Landry, François Legault et Joseph Facal témoignent non seulement de dissensions au Parti québécois, mais aussi d'un «durcissement» du discours souverainiste, selon M. Charest.

«C'est un appel à une position plus radicale», résume-t-il.