La pression monte sur le gouvernement Charest pour qu'il tienne un «véritable» débat sur la laïcité de l'État tout en clarifiant cette notion une fois pour toutes.

Qu'ils soient pour ou, surtout, contre le projet de loi 94 sur les balises encadrant les demandes d'accommodement, plusieurs groupes entendus hier en commission parlementaire ont réclamé la tenue de ce «vaste débat» le plus rapidement possible.

 

«Le projet de loi 94 ne permet pas de faire l'économie d'un débat de fond sur la laïcité au Québec», a affirmé la présidente du Conseil du statut de la femme, Christiane Pelchat. Selon elle, le gouvernement Charest doit en venir à déposer une loi sur la laïcité. «Il n'y a rien ici au Québec, dans nos lois, qui nous dicte ce qu'est la laïcité», a-t-elle expliqué.

Si le gouvernement refuse d'aller de l'avant, «le débat va nous rattraper. Ce sont les tribunaux qui vont décider ce que doit être le vivre-ensemble au Québec». «C'est au gouvernement de le faire». Il y a deux ans, la commission Bouchard-Taylor a recommandé au gouvernement de déposer un Livre blanc sur la laïcité.

Le Conseil du statut de la femme appuie le projet de loi 94 parce qu'il définit, selon lui, des balises adéquates pour les demandes d'accommodement. Rappelons que le Conseil a participé à la rédaction du projet.

Christiane Pelchat se dit toutefois «choquée» par le «détournement de sens» que fait le gouvernement Charest. La ministre de la Justice, Kathleen Weil, affirme que le projet de loi permet aux employés de l'État de porter des signes religieux visibles, à l'exception du voile intégral (niqab ou burqa). Or, «c'est une erreur en droit», a dit Mme Pelchat.

«Vide de sens»

Selon la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, «le projet de loi est vide de sens, n'apporte rien de plus que ce qu'apporte la jurisprudence, et évite la question fondamentale, celle de l'importance de vivre dans un État laïc». La chef syndicale a réclamé un vaste débat qui devrait mener à la rédaction d'une charte de la laïcité.

Claudette Carbonneau plaide en faveur de l'interdiction du port de signes religieux visibles - tant un hijab qu'une croix au cou - chez les «représentants du pouvoir» (juges, procureurs, policiers) et les «fonctions d'autorité et de modèle» (enseignants et éducatrices).

Un groupe de 28 professeurs de l'Université Laval a réclamé le rejet du projet de loi 94. «Il ne règle en rien la question fondamentale de la position de l'État eu égard aux religions, a expliqué Louise Langevin, professeure à la faculté de droit. Il n'affirme pas l'importance de l'égalité entre les hommes et les femmes à l'égard de toutes les coutumes et pratiques culturelles patriarcales.»

Dans son mémoire, la Fédération des Canadiens musulmans a demandé le retrait du projet de loi, car il est «teinté d'un sentiment islamophobe», «discriminatoire» et «incitateur à l'intolérance» envers les musulmans. La Fédération dénonce «le mythe de l'infériorité et de la soumission associée au niqab».