Avec en poche une victoire inespérée dans Rivière-du-Loup et un sondage favorable en fin de semaine dernière, Jean Charest a rangé la carte d'un important remaniement ministériel qu'il pensait abattre mardi matin.

Le vaste jeu de chaises musicales est mis en réserve, une carte majeure qu'on conserve pour donner un coup de barre à la prochaine période difficile. Le sondage CROP de la fin de semaine a soulagé les libéraux: en dépit des problèmes économiques et des faux pas de nombreux ministres à l'Assemblée nationale, la cote du PLQ et de Jean Charest a monté depuis un mois.

Pour l'heure, Jean Charest se contentera donc de déplacer ce matin quelques ministres importants, un remaniement que ses conseillers voudront présenter comme un «ajustement» uniquement pour calmer les simples députés.

Ces derniers voient passer devant eux le néophyte Clément Gignac, économiste-vedette élu sans surprise avec plus de 70% des suffrages dans Marguerite-Bourgeoys. Devant les militants lundi soir, M. Charest a tout de suite dit que M. Gignac ferait partie du Conseil des ministres. «Je veux que Clément Gignac fasse partie de mon équipe pour qu'on puisse préparer le rebondissement du Québec. Je veux une voix forte sur le plan économique», a-t-il lancé.

M. Gignac doit décharger Raymond Bachand de ses responsabilités pour le Développement économique. M. Bachand restera aux Finances, ont indiqué des sources fiables.

Par ailleurs, a appris La Presse, Nathalie Normandeau a finalement obtenu ce qu'elle réclamait depuis des années: la vice-première ministre sera responsable des Ressources naturelles, un dossier où elle se plaisait, comme critique, durant les années passées dans l'opposition. En plus, elle sera responsable du Plan Nord. Elle réclamait ce changement, elle qui rongeait son frein depuis quatre ans aux Affaires municipales.

Par contre, Claude Béchard qui ne voulait pas bouger, s'en va à l'Agriculture. Son projet de nouveau régime forestier déposé il y a deux semaines aura donc l'allure d'un testament. Selon des sources fiables, M. Béchard trouve un secteur où ses qualités de «politicien» seront bien utiles pour calmer l'Union des producteurs agricoles.

Les relations étaient devenues conflictuelles entre l'UPA et le gouvernement Charest. En plus, le ministre Laurent Lessard s'était mis à dos la transformation dans le dossier du fromage et de la listériose. Cet ancien maire de Thetford Mines aura une nouvelle vie aux Affaires municipales.

À ces changements, peu nombreux mais importants, s'ajoutera aujourd'hui un vaste mouvement chez les sous-ministres. Beaucoup d'entre eux, qui retardaient leur retraite depuis des mois, ont été convaincus de quitter.

La défaite dans Rivière-du-Loup est un coup très dur pour Pauline Marois, déjà mal en point dans le dernier sondage CROP qui indiquait que Jean Charest la dépassait clairement en popularité.

Cette circonscription, ancien fief de Mario Dumont, échappe encore au PQ qui y présentait pourtant un candidat-vedette, Paul Crête. Ce dernier avait été élu à six reprises, depuis 16 ans, comme député du Bloc québécois par ces mêmes électeurs.

Photo: Le Soleil

Jean D'Amour

Le candidat victorieux pour le PLQ, Jean D'Amour, ancien maire de Rivière-du-Loup, était devenu président du Parti libéral du Québec. Sa candidature avait été lancée dans la controverse - après avoir plaidé coupable pour conduite avec les facultés affaiblies, le candidat libéral fait l'objet d'une enquête du Commissaire au lobbying, qui examinait son rôle dans la recherche de contrat pour son employeur, BPR, sans être inscrit au registre des lobbyistes. En outre, M. D'Amour, ancien employé politique du ministre libéral Albert Côté, avait comme candidat libéral, été battu à deux reprises par Mario Dumont.

Lourd de conséquences

La semaine dernière, Mme Marois n'avait pas caché que le résultat dans Rivière-du-Loup, circonscription exclusivement francophone, normalement fertile pour le PQ, serait lourd de conséquences, mais elle tenait à prendre acte du verdict des électeurs. La campagne de M. Crête avait été assombrie par les sorties de Jacques Parizeau, selon qui des «crises» sont nécessaires au progrès de la souveraineté. Le PQ s'était enfoncé aussi dans une controverse avec le Directeur général des élections sur les coûts d'une instance nationale qu'il fallait comptabiliser dans les dépenses électorales de M. Crête.

Signe de l'importance de l'enjeu à Rivière-du-Loup, les trois chefs, M. Charest, Mme Marois et Sylvie Roy, leader par intérim de l'ADQ, y sont passés pour mousser les chances de leur candidat.

Dans Marguerite-Bourgeoys, le candidat libéral Clément Gignac l'a emporté sans surprise. En soirée, M. Charest a rendu «hommage à l'un des meilleurs économistes au Canada qui a accepté de servir quand on en a eu besoin».

L'adversaire péquiste de M. Gignac, Christiane Normandin, étudiante en droit de 25 ans, n'a récolté que 19 % des suffrages.

Cette circonscription est libérale depuis 1956 et en décembre dernier, Monique Jérôme-Forget l'avait emporté par 9700 voix.

La chef péquiste avait tenté de faire naître une controverse autour de M. Gignac - il travaillait pour Ottawa qui tablait sur son projet d'Agence nationale des valeurs mobilières, un projet auquel s'oppose le gouvernement Charest.

«Qui a trahi trahira», a soutenu Mme Marois qui avait pourtant tenté de convaincre M. Gignac de se présenter pour le PQ avant les élections du 8 décembre 2008.