Le directeur d'une commission scolaire arrive à la dernière minute à une conférence de presse délicate. Sa responsable des communications trottine derrière lui pendant qu'il monte vers la salle où il va rencontrer les médias. Elle lui assène à toute vapeur des statistiques compliquées. Le temps d'arriver en haut de l'escalier, il a parfaitement assimilé toutes les données. Comme s'il les avait toujours connues.

Cette scène s'est déroulée il y a plus de 15 ans à la Commission scolaire de Sherbrooke. Marielle Levac s'en rappelle encore comme si c'était hier. La responsable des communications, c'était elle. Et elle se souvient de son patron de l'époque, Gilles Taillon, comme d'un homme doué d'un redoutable esprit de synthèse, vif et intelligent.

 

« Vous pédalez comme un petit canard, vous lui donnez l'information et il intègre ça comme s'il avait fait toute la recherche lui-même », dit-elle.

Mais dans la vie, il n'y a pas que ceux qui pédalent vite. Les petits canards boiteux, eux, peuvent en arracher avec Gilles Taillon qui a peu de patience pour « les timorés et les insécures », selon son ancienne collaboratrice.

Partout où il est passé, Gilles Taillon a laissé derrière lui cette double image. Côté cour, un gestionnaire direct, déterminé et efficace. Côté jardin, un homme qui fonce sans trop s'en faire pour ceux qu'il écorche au passage. « Si vous cherchez un humaniste, ce n'est pas lui », dit Mme Levac.

« Il sait cruncher les chiffres, ses analyses sont chirurgicales, mais il n'est pas du genre à partager le pouvoir », note un autre ancien collaborateur.

Le principal intéressé, lui, admet avoir « des impatiences » et préférer les employés qui « performent ». « Je suis un bon boss, mais je suis un boss ! », dit-il. Avant d'ajouter : « Je ne suis pas un monstre ! »

L'enfance

Gilles Taillon est né en 1945, dans une famille ouvrière de Saint-Jérôme. Son père souffrait de sclérose en plaques. Enfant, il l'a souvent vu emporté par une ambulance. Il en a gardé une peur bleue des hôpitaux. Mais aussi un sens aigu des responsabilités.

Son père meurt quand il a 11 ans. « Tu vas te faire instruire », lui martèle sa mère. Alors, il s'instruit. Des études en histoire qui le mènent vers l'enseignement. Puis vers des postes de gestionnaire où il découvre son amour des chiffres.

Il travaille encore à Sherbrooke quand la tragédie le frappe de nouveau : sa femme meurt dans un accident de voiture, le laissant seul avec un bambin. En entrevue, il passe vite sur sa vie privée, souligne qu'il s'est remarié peu de temps après et a élevé avec sa nouvelle épouse une « famille reconstituée » de trois enfants.

Le parcours

Le monde scolaire a servi de tremplin à la vie publique de Gilles Taillon. Après son passage à Sherbrooke, où il a présidé à une décentralisation qui a servi de modèle ailleurs au Québec, il a fait le saut à la Fédération des commissions scolaires.

Pas étonnant que son adhésion à l'ADQ, un parti qui prône l'abolition des commissions scolaires, ait causé un gros choc parmi ses anciens collègues. À la Fédération, personne ne veut parler de l'ancien directeur, qui a payé sa prise de position par une rupture : celle des liens d'amitié qui l'unissaient à l'actuel président de l'organisme, André Caron.

« On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs », commente Gilles Taillon.

Passé au Conseil du patronat qu'il dirigera pendant huit ans, ce dernier a « adouci les angles » de cet organisme perçu comme intransigeant, estime sa collaboratrice de l'époque, Diane Bellemare.

C'est cette ancienne candidate de l'ADQ qui lui fera rencontrer Mario Dumont. La magie opère et Gilles Taillon fait le saut en politique en 2006. Élu dans Chauveau, à Québec, il découvre les hauts et les bas de la vie politique. Sa pire épreuve l'oppose à l'exécutif de sa circonscription. Des collaborateurs l'enregistrent à son insu alors qu'il évoque la possibilité d'embaucher sa femme comme attachée de presse.

Souffrant de troubles cardiaques, celle-ci préfère se rapprocher de la famille, dans l'Outaouais. Et c'est là que Gilles Taillon se présente aux dernières élections. Il n'a aucune chance de l'emporter. Pourtant, il compte remettre ça la prochaine fois. « Si l'ADQ n'est pas capable de gagner l'Outaouais, aussi bien mettre une croix sur le Québec », lance-t-il avec défi.

Fiche signalétique

Âge : 63 ans

Lieu de naissance : Saint-Jérôme

Études : Histoire et Relations industrielles

Adhésion à l'ADQ : 2006

Député de Chauveau : de 2007 à 2008

Lectures préférées : des biographies, dont celle de Churchill

Modèle politique : « Hybride, mi-Parizeau, mi-Bourassa ».