La pression a augmenté de plusieurs crans sur le gouvernement Trudeau, lundi, alors qu'une série de sondages, études et mises en garde scientifiques ont révélé les nombreuses inquiétudes qui persistent partout au pays à moins de 48 heures de la légalisation du cannabis.

La journée a commencé avec une sortie cinglante de la rédactrice en chef du Journal de l'Association médicale canadienne, qui a qualifié la légalisation « d'expérience incontrôlée », ajoutant que toute hausse de la consommation devrait être considérée comme « un échec de la législation » fédérale.

Une étude du Centre universitaire de santé McGill, commandée par l'Association canadienne des automobilistes (CAA), a en parallèle révélé que les conducteurs étaient plus à risque d'être impliqués dans un accident de la route, même cinq heures après avoir consommé de la marijuana. Un sondage Léger réalisé pour la Fondation Jean Lapointe auprès de 500 parents québécois d'adolescents de 11 à 16 ans a enfin confirmé que 75 % d'entre eux sont « inquiets », dont 36 % « très inquiets », par rapport à ce qui se produira après la légalisation du pot.

« Actuellement, tout le monde se pose des questions », a lancé en point de presse le député conservateur Pierre Paul-Hus, porte-parole en matière de sécurité publique.

« Les provinces, les villes ont encore beaucoup de questions. Imaginez la population, et les parents qui ne savent pas quoi répondre à leurs enfants. Pour nous, c'est allé beaucoup trop vite. » - Pierre Paul-Hus

Sa collègue Sylvie Boucher, élue conservatrice dans Beauport, a pour sa part fait valoir que le projet de loi C-45, qui concrétisera demain la légalisation du cannabis, était « incomplet ».

« Plusieurs personnes sont inquiètes parce qu'on a l'impression qu'on est laissés à nous-mêmes, a-t-elle lancé. Les parents, je les comprends totalement. »

« PRÉCIPITATION »

Le bloquiste Mario Beaulieu a de son côté dénoncé « la précipitation et l'improvisation » dont a fait preuve, selon lui, le gouvernement Trudeau dans ce dossier. Une critique partagée par le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, qui accuse les troupes libérales de ne pas en voir fait assez pour épauler les provinces et territoires en vue de ce changement.

Bill Blair, ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, a dû réagir aux critiques à plusieurs reprises tout au long de la journée. Il a affirmé que le gouvernement Trudeau avait « travaillé très fort » depuis deux ans et demi en vue de mettre en place un « cadre réglementaire vraiment global » qui chapeautera la production, la distribution et la consommation de marijuana.

M. Blair, qui pilote le dossier du cannabis, a aussi avancé que les parents devraient s'inquiéter davantage de l'accès qu'ont actuellement leurs enfants au cannabis offert sur le marché noir.

« Nous faisons tout ce qui est possible pour restreindre l'accès et éliminer le marché illicite qui fournit de la drogue aux enfants en ce moment. » - Bill Blair, ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé

Questionné plus tard à la Chambre des communes, le ministre a cité avec satisfaction une déclaration faite quelques moments plus tôt par le président de l'Association canadienne des chefs de police, Adam Palmer. Celui-ci a déclaré en conférence de presse que les corps de police du pays étaient « prêts » à affronter les effets de la légalisation.

Le gouvernement Trudeau promet malgré tout d'accentuer les efforts de prévention et de sensibilisation aux méfaits du cannabis, bien insuffisants à l'heure actuelle aux yeux de l'opposition.