Un examen indépendant de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié conclut que l'agence traîne toujours de sérieux problèmes d'organisation qui ne peuvent être résolus sans un changement en profondeur dans sa structure de gestion.

Le rapport indépendant, publié mardi, est le fruit d'une analyse d'un an du travail de cette agence qui gère les demandes d'asile et les appels. L'examen a été dirigé par Neil Yeates, un ancien sous-ministre de l'immigration.

Le rapport fait notamment état d'un long historique de problèmes dans la gestion des hausses marquées de demandes d'asile et d'arriérés. La vague de migrants irréguliers qui ont franchi récemment la frontière pour demander l'asile en contournant l'Entente sur les tiers pays sûrs ne fait pas exception.

M. Yeates recommande notamment des changements fondamentaux dans le fonctionnement de la commission indépendante, y compris une nouvelle structure de gestion qui la placerait sous l'autorité directe du ministre de l'Immigration. Cette nouvelle structure serait administrée soit par une nouvelle agence de protection des réfugiés, soit par un conseil de gestion du système d'asile.

«Une des principales observations ayant découlé des consultations menées (...) est que l'efficience du système d'octroi de l'asile a souffert de l'absence de gestion active, cohérente et responsable dans la totalité du continuum de ses activités», lit-on dans le rapport. «Sans une telle gestion, les décisions relatives aux différentes composantes du système sont prises sans égard à leurs répercussions sur les autres parties du système (...) ce qui nuit à la productivité et à l'efficience de l'ensemble.»

Par exemple, lorsque le Canada a mis en oeuvre son programme de réinstallation des réfugiés syriens en 2015, il a reporté environ 40% des audiences déjà prévues à la Section de la protection des réfugiés.

Actuellement, le système d'asile au Canada est régi par un protocole d'entente trilatéral entre le ministère de l'Immigration, l'Agence des services frontaliers du Canada et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR). Mais chacune de ces institutions dispose de ses propres structures de responsabilisation, ce qui crée parfois une confusion, une duplication et un manque de coordination.

M. Yeates conclut qu'un meilleur modèle de gouvernance est nécessaire pour superviser l'ensemble du système d'asile, afin d'améliorer la communication, réduire les formalités administratives, assurer un financement plus prévisible et fournir de meilleurs outils pour la production de rapports.

«La Commission a vu le jour en 1989, soit il y a presque 30 ans, rappelle M. Yeates. Il est plus que temps de mettre en place les mécanismes nécessaires pour faire de l'octroi de l'asile un système beaucoup mieux géré (...) L'adoption d'un modèle de ressources et de productivité à l'échelle du système, combiné à un cycle d'examen du financement annuel, permettra au système de répondre avec souplesse aux fluctuations de la demande.»

Indépendance?

Actuellement, la commission est complètement indépendante du gouvernement, et les gestionnaires et intervenants sont plutôt réticents à toucher à cette autonomie. Mais des améliorations peuvent être apportées à la structure de gestion sans empiéter sur l'indépendance des décideurs, estime M. Yeates dans son rapport.

Le Conseil canadien pour les réfugiés s'inquiète de cette suggestion de retirer potentiellement la détermination du statut de réfugié à la Commission. «La vie de gens dépend des décisions du système de détermination du statut de réfugié», a déclaré la présidente du conseil, Claire Roque.

«Nous ne parlons pas d'infractions au Code de la route: nous parlons d'une décision qui peut déterminer si une personne vit ou meurt. Quand nous prenons de telles décisions importantes, nous devons garantir une procédure juste et les protections élémentaires d'un tribunal indépendant et compétent.»

Par ailleurs, M. Yeates a compilé pour la première fois les coûts, à l'échelle du gouvernement fédéral, du système d'asile - les coûts directs pour le traitement des demandes, mais aussi le soutien social comme l'aide juridique et les prestations de santé. On estime qu'Ottawa a dépensé en moyenne 216 millions $ par année au cours des quatre dernières années pour les personnes venues demander asile au Canada, sans compter les frais à la Cour fédérale ou les dépenses des provinces.

Ces dépenses ne sont pas comptabilisées dans un cadre global, rappelle M. Yeates, qui souhaite un budget annuel pour l'asile, basé sur les prévisions annuelles et des cibles de productivité.

Mathieu Genest, porte-parole du ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, a indiqué mardi dans un courriel qu'il est encore «trop tôt pour spéculer sur les changements qui pourraient être envisagés».

«Le ministère étudie les recommandations du rapport et consultera les intervenants, ainsi que les partenaires provinciaux et territoriaux, au cours de l'été.»