La ministre canadienne des Affaires étrangères était à Washington mercredi, notamment pour dénoncer les surtaxes «illégales et absurdes» de l'administration Trump sur l'acier et l'aluminium. Chrystia Freeland a réitéré l'opposition du Canada aux tarifs douaniers après une rencontre avec les membres de l'influent comité des affaires étrangères du Sénat américain.

Mme Freeland est la première politicienne canadienne à mettre les pieds à Washington après les attaques personnelles de l'administration Trump contre Justin Trudeau, la fin de semaine dernière, à l'issue du sommet du G7 de La Malbaie.

La ministre est restée au-dessus de la mêlée en ce qui concerne la guerre de mots, mais elle n'a pas hésité à dénoncer l'utilisation de la clause 232 de la loi américaine sur le commerce pour justifier les tarifs. Cette section de la loi concerne la sécurité nationale des États-Unis. Une justification que Mme Freeland a qualifiée de «franchement absurde».

Mercredi soir à l'occasion d'un discours important sur la politique étrangère, la plus haute diplomate du Canada a élargi le spectre avec une vaste défense d'un aspect auquel M. Trump accorde très peu d'attention - le cadre de règles internationales que les États-Unis ont contribué à créer après la Deuxième Guerre mondiale.

Mme Freeland a affirmé à une foule de diplomates, d'universitaires et de politiciens, à quelques pas de la Maison-Blanche, qu'elle prend conscience que certains Américains ne croient plus que l'ordre mondial les sert d'une façon ou l'autre, bien qu'ils aient participé à sa création et «signé les plus grands chèques» pour le soutenir.

«Nous constatons cela de la manière la plus évidente dans les tarifs de l'administration américaine sur l'acier et l'aluminium canadiens», affirme la ministre dans le texte de son discours d'acceptation pour le prix de la diplomate de l'année remis par le média Foreign Policy.

«(Ces tarifs) sont un exemple clair des États-Unis mettant leur doigt sur la balance, en violation précisément des règles qu'ils ont contribué à écrire», a-t-elle ajouté.

Mme Freeland a argué que les Nations unies, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce et d'autres institutions mondiales créées en 1945 n'ont jamais été parfaites, mais qu'elles demeurent les gardiennes de valeurs démocratiques libérales en une ère où le populisme et l'autoritarisme «sont en marche» en Russie, en Chine, au Venezuela et ailleurs.

«Nous savons tous que nous serons plus forts avec les États-Unis dans nos rangs - et même au premier rang. Mais peu importe ce que le choix de ce grand pays sera - laissez-moi indiquer clairement que le Canada sait où il loge», a affirmé la ministre.

Dans son discours, Mme Freeland n'a jamais mentionné M. Trump par son nom.

Auparavant, elle avait pris part à une rencontre avec des sénateurs démocrates et républicains.

Le président du comité des affaires étrangères, le sénateur républicain Bob Corker, tente d'obtenir du soutien pour un projet de loi qui donnerait au Congrès américain, et non au président, le pouvoir d'imposer des tarifs en se prévalant de la clause de sécurité nationale inscrite dans la loi américaine sur le commerce.

«Je crois qu'il s'agit d'un abus de pouvoir du président d'utiliser la clause 232 et j'essaie de faire adopter une modification à la loi pour l'en empêcher», a expliqué M. Corker après sa rencontre avec la ministre canadienne.

«L'idée que l'acier et l'aluminium canadiens puissent représenter une menace à la sécurité nationale des États-Unis (...) je crois que les Américains comprennent que ce n'est tout simplement pas le cas. Cette disposition est aussi illégale selon les règles de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce», a plaidé la chef de la diplomatie canadienne.

Ottawa entend réagir «dollar pour dollar»

Chrystia Freeland jouit de l'appui d'une majorité de sénateurs aux États-Unis, selon le républicain Bob Corker.

Elle doit prononcer un important discours sur la politique étrangère plus tard mercredi. Une rencontre est aussi prévue jeudi avec le représentant américain au Commerce Robert Lightizer afin de maintenir les discussions sur l'Accord de libre-échange nord-américain.

Le président Donald Trump a utilisé son pouvoir exécutif pour décréter l'imposition de tarifs sur l'acier et l'aluminium en provenance du Canada, du Mexique, de l'Union européenne et du Japon.

En représailles, le Canada et ses alliés prévoient imposer d'ici la fin du mois des mesures de rétorsion sur un large éventail de biens de consommation américains.

La ministre Freeland soutient que le Canada réplique «par dépit plutôt que par colère», mais que le gouvernement entend réagir dollar pour dollar aux surtaxes américaines.

M. Trudeau a soulevé le courroux du président Trump, samedi, lorsqu'il a réitéré l'opposition du Canada aux tarifs douaniers, lors de la conférence de presse de clôture du sommet du G7. Le président américain, qui était alors déjà dans son avion en direction de Singapour, a qualifié Justin Trudeau de «faible et malhonnête», sur Twitter.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a affirmé à l'émission économique «Varney ↋ Co.» de Fox News, mercredi, que l'approche du Canada à la suite des tensions post-G7 du week-end devait être de «demeurer calme, concentré, de poursuivre (son travail), bâtir la relation et s'assurer de défendre les intérêts et les droits des Canadiens».

M. Goodale a souligné que les États-Unis avaient un surplus commercial dans le secteur de l'acier avec le Canada. En dépit du conflit sur les tarifs, il a affirmé que le Canada souhaitait toujours en arriver à une entente pour résoudre la renégociation de l'ALENA.

AFP

Bob Corker