Le chef conservateur Andrew Scheer n'est pas prêt à lancer la pierre aux stratèges de son parti qui auraient autorisé la candidature d'un député sortant, Rick Dykstra, en sachant qu'il était visé par des allégations d'agression sexuelle.

Lors d'une brève mêlée de presse avant la période de questions, lundi, le leader de l'opposition officielle s'est tout au plus contenté de marteler qu'une telle situation ne se reproduirait pas sous sa gouverne.

«Je peux vous assurer qu'à l'avenir, si des allégations comme celles-là sont (soulevées) contre un candidat, cette personne ne pourra pas être candidate pour notre parti», a-t-il fait valoir, qualifiant de «profondément troublantes» les allégations qui ont fait surface.

Le chef Scheer n'a pas précisé s'il avait réclamé des comptes au Parti conservateur, mais il a assuré qu'il comprenait «combien il peut être difficile pour les femmes qui ont été victimes de ce genre d'incident de se manifester et de parler de ce qui s'est passé».

Une de ses députées, Michelle Rempel, a pour sa part vigoureusement semoncé ceux qui, au sein de son parti, ont permis à Rick Dykstra de briguer un siège aux dernières élections fédérales de 2015 même s'ils étaient au courant des allégations qui pesaient contre lui.

Elle a qualifié de «dégoûtantes» ces informations publiées par le magazine Macleans au sujet de son ancien collègue. Ce dernier, qui a ensuite occupé le poste de président du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario, a démissionné peu après la publication de l'article.

L'élue albertaine a été la seule à se montrer aussi sévère à l'endroit de sa formation politique, lundi, se déchaînant contre les dirigeants de son parti qui seraient derrière la décision de donner le feu vert à Rick Dykstra et qui devraient avoir «honte d'eux».

Elle a tenu ces propos dans le cadre d'un débat en Chambre sur le projet de loi C-65 contre le harcèlement sexuel - une mesure législative déposée par un gouvernement libéral qui a largué jeudi dernier l'un de ses ministres, Kent Hehr, visé par des allégations de nature sexuelle.

Dans les couloirs du parlement, qui reprenait vie après le long congé des Fêtes, ses collègues se sont montrés nettement plus timides - peut-être parce que deux attachés de presse les interceptaient au fur et à mesure avant leur arrivée devant les micros pour les prévenir.

Le député Maxime Bernier a ainsi lâché, en l'espace de quelques secondes, que «le parti aurait peut-être dû agir autrement à l'époque», mais qu'il ne «questionn(ait) pas ce qui s'est passé», pour ensuite dire que «oui, on peut se poser des questions sur ce qui s'est passé».

Son collègue Alain Rayes, pour sa part, a laissé entendre que les conservateurs tireraient des enseignements de l'affaire Dykstra: «Ce que je vous dis, et j'en suis extrêmement fier, c'est qu'on veut faire le ménage en ce moment. On ne veut pas permettre ces situations-là».

C'est donc dire que les députés fédéraux, qui effectuaient lundi leur rentrée sur la colline du Parlement à Ottawa, l'ont fait alors que la scène politique canadienne est à son tour secouée par une multiplication d'allégations de nature sexuelle.

Le premier ministre Justin Trudeau avait donné le ton la veille, dans un discours livré devant son caucus. Il avait réaffirmé son soutien aux mouvements comme  moiaussi et  timesup et affirmé que le harcèlement sexuel était un problème «systémique» et «inacceptable».

Lundi, son gouvernement a donné le coup d'envoi aux travaux parlementaires en inscrivant à l'ordre du jour le débat sur la mesure législative C-65, qui propose un cadre pour s'assurer que les milieux de travail fédéraux sont exempts de harcèlement et de violence sexuelles.

Et compte tenu du climat actuel, la Chambre a voulu donner un coup d'accélérateur: après la période des questions, les élus ont adopté une motion unanime pour envoyer le projet de loi directement en comité parlementaire.

La motion a été proposée par la néo-démocrate Ruth Ellen Brosseau, qui a été promue chef parlementaire de son parti en Chambre la semaine dernière.

L'élue a noté, en déposant la motion, que les trois principaux partis aux Communes avaient maintenant des femmes au poste de chef parlementaire, une première. La remarque a été accueillie par les applaudissements des députés.