Le premier ministre Justin Trudeau accuse les partis d'opposition de l'avoir confronté au «difficile, mais nécessaire choix» de reléguer aux oubliettes la réforme du mode de scrutin.

En conférence de presse de fin de session à Ottawa, mardi, il a soutenu que l'intransigeance des partis adverses avait empêché les libéraux de livrer l'une de leurs promesses électorales les plus limpides.

Car dans le camp conservateur, on voulait le statu quo et rien d'autre, en plus d'exiger de soumettre tout changement à un référendum, tandis que dans les rangs néo-démocrates, on était «fixé» sur le mode de scrutin proportionnel, a affirmé M. Trudeau.

Le mode de scrutin avait besoin être «amélioré», mais cela ne pouvait passer par la proportionnelle, un modèle qui créerait une fragmentation au sein des grands partis qui représentent déjà «la diversité du Canada», ce qui «serait mauvais pour le pays» et «affaiblirait» la démocratie canadienne, a-t-il plaidé.

Le premier ministre a rappelé mardi que la préférence libérale - il avait déjà signalé dans le passé que c'était la sienne - était le mode de scrutin par vote préférentiel, mais que «personne d'autre n'était d'accord».

Face à cette impasse et au «manque d'ouverture» de l'opposition, il n'y avait pas d'autre option que celle de renier l'engagement formulé à maintes reprises avant, pendant et après la campagne électorale, a exposé Justin Trudeau.

«L'absence d'une voie à suivre pour notre pays m'a confronté au difficile, mais nécessaire choix, de mettre cette promesse de côté», a-t-il insisté.

«Je n'allais pas tirer profit de ma majorité (parlementaire) pour implanter un système juste pour cocher une case dans une plateforme électorale», a enchaîné le premier ministre lors de cette conférence de presse consacrée au bilan des derniers mois de son gouvernement.

L'enjeu de la réforme électorale a déchiré les partis pendant des mois à Ottawa jusqu'à ce que la ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, annonce officiellement en février dernier que les libéraux abandonnaient l'idée de rénover le mode de scrutin.

Toute mention du projet a simplement disparu de la lettre de mandat rédigée par Justin Trudeau à l'intention de celle qu'il avait choisie en janvier dernier, dans le cadre d'un remaniement, comme successeure à Maryam Monsef à la barre du ministère.

La jeune ministre s'était attiré les foudres de l'opposition après avoir désavoué le travail du comité sur la réforme électorale, accusant ses membres d'avoir «abdiqué» au lieu «prendre les décisions difficiles». Elle avait présenté ses excuses en Chambre dès le lendemain.

La promesse rompue des libéraux a mené au dépôt en Chambre d'une pétition signée par plus de 130 000 personnes, en mars dernier. Elle a été parrainée par le député néo-démocrate Nathan Cullen, l'un des députés qui ont mené la charge dans ce dossier.

Son collègue Alexandre Boulerice a fustigé la sortie du premier ministre Trudeau, mardi, disant trouver ce dernier «assez effronté» de prétendre que l'échec de dégager un consensus était imputable aux formations politiques adverses.

«M. Trudeau a brisé sa promesse, et aujourd'hui, il essaie de faire porter le blâme aux partis d'opposition. C'est du révisionnisme historique», a-t-il lancé à l'autre bout du fil.

«Les quatre partis d'opposition sur le comité se sont entendus sur un rapport majoritaire (...) Les seuls qui n'ont pas collaboré depuis le début, ça a été des gens du Parti libéral», a tranché M. Boulerice.

Le député conservateur Alain Rayes a pour sa part déclaré par voie de communiqué que le gouvernement libéral avait «mal géré le dossier de la réforme électorale dès le premier jour».

«La position du caucus conservateur a toujours été que tout changement à la façon dont nous élisons nos députés doit nécessairement être décidé par un référendum», a-t-il complété.

Le comité spécial sur la réforme démocratique avait majoritairement recommandé, dans un rapport déposé en décembre dernier, la tenue d'un référendum entre l'actuel système uninominal majoritaire à un tour et un nouveau système électoral qui comporterait une composante proportionnelle non définie.

Cette recommandation principale, à laquelle souscrivaient les élus conservateurs, néo-démocrates, bloquiste et vert qui composaient la majorité à la table du comité, n'avait pas été appuyée par les députés libéraux qui y siégeaient.

Le mode de scrutin présentement en place a permis aux libéraux de mettre la main sur 54 % des sièges à la Chambre des communes avec seulement 39,5 % du vote populaire aux dernières élections d'octobre 2015.