Confronté à une économie chancelante et à une chute du prix du pétrole brut qui déstabilise les finances de trois provinces - l'Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador -, le gouvernement Trudeau entend redresser vigoureusement la barre dans son premier budget prévu en mars pour relancer la croissance.

Résultat : le déficit du prochain exercice financier dépassera « très probablement » les 10 milliards de dollars, a convenu hier le premier ministre Justin Trudeau au cours d'une rencontre éditoriale avec La Presse pour marquer les 100 premiers jours de son arrivée au pouvoir.

Alors que le ministre des Finances Bill Morneau planche sur le prochain budget, M. Trudeau a indiqué qu'un déficit plus imposant semble incontournable, compte tenu de la faible croissance économique des derniers mois et des prévisions revues à la baisse pour les prochaines années. Des investissements massifs dans les infrastructures, combinés à une baisse des impôts de la classe moyenne qui est entrée en vigueur le 1er janvier, constituent, à ses yeux, le remède tout indiqué aux maux qui affligent l'économie canadienne.

Des défis de taille

Quelle sera la taille du déficit ? M. Trudeau a refusé de vendre la mèche, affirmant que son cabinet est encore en train d'évaluer certaines mesures et leur coût. « Nous sommes en train d'élaborer le budget, et ce sont exactement les questions que nous sommes en train de nous poser. Nous n'avons pas encore de réponse précise à vous donner », a-t-il affirmé.

Mais, a-t-il pris soin de dire, le manque à gagner sera « très probablement » supérieur à 10 milliards. « Ce sont des mesures que nous devons adopter parce que l'économie en a besoin, et, surtout depuis la chute des prix du pétrole, il y a de plus gros défis du côté de l'économie canadienne, certainement dans certaines régions, qui exigent que le Canada investisse encore plus », a tranché M. Trudeau.

Relancé à nouveau sur cette question, le premier ministre a déclaré : « Oui, on va dépasser les 10 milliards. De combien ? On est en train d'examiner cela. »

En campagne électorale, les libéraux avaient promis de tels investissements pour stimuler la croissance et avaient prévenu que cela entraînerait des déficits « modestes » ne dépassant pas les 10 milliards de dollars durant les deux premières années d'un mandat. Le déficit devait friser les cinq milliards durant la troisième année, et le retour à l'équilibre budgétaire était prévu en 2019-2020, date des prochaines élections fédérales.

Vers un déficit cumulé de 90 milliards ?

Certains économistes estiment que le déficit pourrait friser les 20 milliards en 2016-2017. Hier, la Banque Nationale s'est d'ailleurs montrée plus pessimiste pour l'ensemble du mandat libéral en soutenant que les perspectives sombres de l'économie canadienne pourraient forcer le gouvernement Trudeau à cumuler un déficit de 90 milliards au cours des quatre prochaines années, soit près de quatre fois plus que les 25 milliards évoqués par les libéraux en campagne.

En entrevue, M. Trudeau a aussi indiqué qu'il pourrait être difficile de respecter la promesse de rétablir l'équilibre budgétaire en 2019-2020, si l'économie canadienne continue de s'essouffler. L'important pour son gouvernement, selon lui, sera de s'assurer que le ratio de la dette accumulée en proportion du produit intérieur brut (PIB), actuellement à 30 %, demeure sur une pente descendante.

« Si on regarde les prévisions pour les taux de croissance pour les trois ou quatre années à venir, ça va être difficile [le retour à l'équilibre]. Mais tout ce qu'on a mis de l'avant vise à créer de la croissance économique. Prévoir dans quatre ans quel sera le taux de croissance, les gouvernements ont souvent raté la cible. Mais on sait qu'investir dans les infrastructures, mettre de l'argent dans les poches des familles de la classe moyenne, ça va avoir un impact positif sur la croissance et on est d'avis qu'on va pouvoir changer le taux de croissance, c'est encore tout à fait faisable », a-t-il dit.