La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, dit avoir bon espoir d'adopter un cadre fédéral sur l'aide médicale à mourir en respectant les délais impartis par la Cour suprême, malgré l'échéance serrée et des doutes soulevés par les conservateurs, qui sont majoritaires au Sénat.

En entrevue avec La Presse, la ministre Wilson-Raybould a fait peu de cas des commentaires de l'opposition conservatrice, qui a qualifié d'irréaliste cette semaine l'intention du gouvernement Trudeau d'encadrer une question aussi complexe en aussi peu de temps.

En février 2015, la Cour suprême du Canada avait donné un sursis d'un an à Ottawa pour adopter son propre régime avant que deux dispositions clés du Code criminel interdisant l'aide médicale à mourir ne soient invalidées. Ce délai a été prolongé de quatre mois la semaine dernière.

Ottawa a donc jusqu'au 6 juin pour légiférer en la matière.

« Nous allons certainement chercher à respecter la date butoir de la Cour suprême en travaillant de manière ouverte et large avec tous les parlementaires et en cherchant à façonner une réponse fédérale », a déclaré Jody Wilson-Raybould.

Or, ce délai est d'autant plus serré que le Parlement aura un horaire pour le moins irrégulier au cours des prochains mois : la Chambre des communes et le Sénat ne siègent qu'une semaine en janvier, trois semaines en février, moins de deux semaines en mars et deux semaines en avril.

Le comité parlementaire formé pour étudier la question ne s'est réuni qu'une seule fois, lundi. Il doit présenter son rapport le mois prochain, le 26 février.

En marge de cette première réunion du comité, l'un de ses membres, le député conservateur du Québec Gérard Deltell, a remis en question la faisabilité de l'exercice. « On est des gens qui respectent les institutions. La Cour suprême nous dit de le faire en dedans de quatre mois. On va le faire. Mais je vous rappelle qu'au Québec, ç'a été un débat de six ans », a-t-il lancé, selon La Presse Canadienne.

Sénat au ralenti



À cela s'ajoute la question du Sénat. Le gouvernement a pris du retard dans la mise sur pied de son processus de sélection des sénateurs afin de pourvoir la vingtaine de postes laissés vacants par Stephen Harper. Dans l'attente, et compte tenu de la décision de Justin Trudeau d'évincer les sénateurs libéraux de son caucus, il pourrait manquer des appuis nécessaires pour faire progresser assez rapidement le dossier à la Chambre haute, une étape inévitable pour l'adoption d'un projet de loi.

Les conservateurs n'ont montré aucun empressement à adopter un régime fédéral d'aide médicale à mourir dans la foulée de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter en février 2015. Le leader de l'opposition au Sénat, Claude Carignan, n'a pas semblé plus pressé, dans une réponse fournie par son bureau cette semaine.

« Il est impossible de dire si les membres de notre caucus vont appuyer ou non le projet de loi, n'en connaissant pas le contenu. Chose certaine, les sénateurs conservateurs vont, le moment venu, se pencher avec sérieux et diligence sur cette question. Tous sont conscients que les délais sont serrés, mais les sénateurs entendent bien faire leur travail de réflexion et débattre des enjeux », a écrit une porte-parole du sénateur Carignan.

Réponse cohérente avec les provinces

Autre obstacle : la coordination avec les provinces. Le droit criminel est de compétence fédérale, mais la santé relève des provinces, de sorte qu'Ottawa devra coordonner sa réponse avec ses partenaires de la fédération. Jusqu'ici, seul le Québec s'est doté d'un régime en ce sens.

La ministre Wilson-Raybould est à Québec aujourd'hui pour rencontrer ses homologues canadiens et discuter de certains enjeux, dont l'aide médicale à mourir. Cette question est aussi à l'ordre du jour de la réunion des ministres de la Santé à Vancouver, cette semaine.

À cet égard également, la politicienne fédérale s'est montrée optimiste quant à la capacité de son gouvernement de présenter à temps une réponse cohérente partout au pays. « C'est un court délai, mais je crois que si nous travaillons de manière collaborative, nous pouvons respecter la date butoir qui a été établie par la Cour suprême », a martelé la ministre.