Le Canada est tout au début d'un bouleversement démographique qui risque d'avoir de lourdes conséquences sur les finances publiques, non seulement pour le gouvernement fédéral, mais aussi pour les provinces. Le vieillissement de la population pourrait d'ailleurs provoquer de nouvelles tensions entre Ottawa et les provinces quant au partage adéquat des coûts liés aux services de soins de santé.

Au cours des 20 prochaines années, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus devrait passer de 15 % aujourd'hui à 24 % en 2035. Le Québec et les quatre provinces atlantiques (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve) seront les plus touchés par ce choc démographique, tandis que les provinces de l'Ouest le seront moins.

Ces changements sans précédent ne seront pas sans répercussions, indique-t-on dans des documents d'information préparés par les mandarins du Bureau du Conseil privé et remis au premier ministre Justin Trudeau au début du mois de novembre, quand il a officiellement pris les commandes du gouvernement. La Presse a obtenu ces documents en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

La toute première conséquence liée au vieillissement de la population est la hausse des coûts des soins de santé, un domaine de compétence des provinces dans lequel le gouvernement fédéral injecte des sommes importantes. Déjà, la santé accapare une portion importante des budgets des provinces. 

33 %

Le Québec consacre près de 33 % de son budget (32,8 milliards de dollars) à la santé. La Nouvelle-Écosse, elle, y alloue 45 % de son budget total.

Résultat : le gouvernement Trudeau doit s'attendre à ce que les provinces réclament un nouveau partage des coûts importants liés aux services de santé.

Mais il y a plus. Ce phénomène aura aussi d'importantes retombées sur la croissance de l'économie canadienne. D'autant plus qu'on verra un nombre grandissant de travailleurs prendre leur retraite au cours des deux prochaines décennies. Ce phénomène, combiné à la chute brutale des prix du baril de pétrole brut, devrait avoir un impact sur la vigueur de l'économie du pays à court terme.

« Les perspectives de croissance économique plus faibles, les tendances démographiques et les pressions fiscales mèneront à une multiplication des demandes visant à revoir les arrangements fiscaux alors que les provinces vont vraisemblablement souligner le déséquilibre fiscal croissant entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux », souligne-t-on.

Négociations à l'horizon

Les documents obtenus par La Presse brossent un portrait d'ensemble des relations fédérales-provinciales. Ils ont été remis au premier ministre Justin Trudeau qui, en formant son cabinet en novembre, a décidé de conserver la responsabilité du ministère des Affaires intergouvernementales afin de souligner sa volonté d'insuffler une nouvelle ère de collaboration entre Ottawa et les provinces.

En campagne électorale, les libéraux de Justin Trudeau ont promis de négocier un nouvel accord sur la santé. Mais ils n'avaient pas précisé la somme qu'ils comptaient verser aux provinces. La ministre de la Santé, Jane Philpott, doit rencontrer ses homologues des provinces les 20 et 21 janvier afin de lancer les négociations dans l'espoir de conclure « une entente de financement à long terme ».

Parallèlement, les libéraux ont promis d'injecter « immédiatement 3 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années pour améliorer quantitativement et qualitativement l'offre de services de soins à domicile aux Canadiens ».

L'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper avait soulevé l'ire des provinces quand il avait décrété en 2011, sans les consulter, que la hausse des transferts aux provinces pour la santé serait arrimée à la croissance économique du pays à partir de 2017, avec un taux plancher de 3 %. Le gouvernement Harper estimait que l'augmentation annuelle de 6 % des transferts pour la santé depuis une dizaine d'années n'était pas soutenable.

En juillet dernier, le Conseil de la fédération avait de nouveau exhorté Ottawa à revenir sur cette décision, en invoquant la hausse des coûts du système de santé en raison des changements démographiques, mais en vain.

Étonnamment, les retombées liées au vieillissement de la population canadienne n'ont pas été abordées durant la dernière campagne électorale qui a duré 78 jours.

- Avec William Leclerc, La Presse