Les producteurs agricoles québécois estiment être les grands perdants de l'accord de principe sur le Partenariat transpacifique (PTP) en raison des assouplissements auxquels ont consenti les négociateurs canadiens sur les trois piliers du système de la gestion de l'offre.

Afin de faire partie de cet accord de libre-échange, le Canada a notamment offert aux 11 autres pays signataires un accès équivalant à 3,25 % à son marché laitier.

Quelques heures après l'annonce de l'entente de principe, lundi, l'Union des producteurs agricoles (UPA), l'Union paysanne, les Producteurs de lait du Québec ainsi que la Coop fédérée, qui exigeaient la protection du système régissant les producteurs de lait, d'oeufs et de volaille, ont tour à tour exprimé leur déception.

«Les agriculteurs canadiens viennent de se faire écrémer, a affirmé le président de l'Union paysanne, Benoit Girouard. Cette ouverture du marché sonne tranquillement le glas de la gestion de l'offre.»

Le secteur du lait ne sera pas le seul secteur agricole à devoir ouvrir son marché, puisque 2,3 % du marché des oeufs et 2,1 % de celui du poulet auront à le faire en vertu de l'entente.

Ces organisations ont rappelé que le PTP s'ajoutera à l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, qui prévoit également l'arrivée de 17 700 tonnes supplémentaires de fromages fins au Canada, ce qui affectera davantage les producteurs agricoles.

D'après le président de l'UPA, Marcel Groleau, les deux accords de libre-échange représentent un accès supplémentaire de 5 % au marché canadien de la production de lait, ce qui est «très important».

En entrevue téléphonique depuis Atlanta, où étaient réunis les négociateurs internationaux, il s'est également dit préoccupé de voir qu'il n'y avait pas de stratégie claire pour assurer un contrôle de la qualité à la frontière, notamment pour régler le problème des importations de protéines de lait.

«C'est l'autre déception importante, a dit M. Groleau. Il n'y a pas d'indications précises sur la façon dont le gouvernement va s'y prendre pour contrôler ces importations qui affectent de façon importante les revenus des producteurs.»

Selon l'UPA, le Québec compte quelque 29 000 fermes, dont un peu moins de 7000 sous l'égide du système de la gestion de l'offre.

Pour cette raison, M. Groleau a tenu à rappeler que le PTP demeurait important pour d'autres secteurs, comme la production porcine, de sirop d'érable, de bleuets ainsi que de canneberges.

Par exemple, le secteur porcin québécois estime que l'accord de libre-échange lui permettra de «jouer à armes égales» avec les États-Unis au Japon - le deuxième marché en importance des producteurs de porc du Québec.

«Cette entente donne des règles du jeu claires et concurrentielles vis-à-vis nos concurrents», a déclaré le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Boissonneault.

Trop tôt pour évaluer l'aide gouvernementale

Quant au programme d'aide de 4,3 milliards de dollars sur 15 ans qui vise à soutenir les agriculteurs qui verront leurs revenus fléchir, le président de l'UPA a dit qu'il était trop tôt pour savoir si la mesure est suffisante.

Selon M. Groleau, Ottawa estime qu'un producteur laitier moyen va recevoir 165 000 $, ou environ 11 000 $ par année, au cours de cette période.

«Pour une petite entreprise agricole, c'est une somme importante», a affirmé le président de l'UPA.

Néanmoins, l'ouverture du marché canadien ne devrait pas seulement se traduire par un recul de la production laitière au Canada, mais aussi des volumes transformés au pays, a estimé le porte-parole des Producteurs de lait du Québec, François Dumontier.

Il a également exprimé sa déception de voir que le fonds agricole américain prévoyant des subventions échelonnées sur 10 ans n'ait pas été sur la table.

«Nous payons des bénéfices sans rien obtenir en retour», s'est désolé M. Dumontier.

Malgré sa déception, le président de l'UPA a rappelé que parmi les 51 accords commerciaux négociés par le Canada, seulement deux avaient eu des répercussions négatives pour la gestion de l'offre.

Selon lui, si le gouvernement fédéral est capable d'exercer un «bon contrôle des importations à la frontière», le système en place peut continuer à fonctionner de façon adéquate.