Le gouvernement Harper compte déboulonner l'idée voulant qu'il ait de nouveau créé un déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces en profitant des surplus à venir pour réduire le fardeau fiscal des contribuables.

Parallèlement, il invitera les provinces à occuper l'espace fiscal qu'il libérera au fil des prochains exercices financiers pour financer les programmes sociaux selon leurs besoins, a appris La Presse.

Alors que le gouvernement fédéral s'apprête à rétablir l'équilibre budgétaire en 2015, les conservateurs de Stephen Harper veulent tuer dans l'oeuf la thèse défendue par les provinces voulant que l'argent soit à Ottawa et les besoins dans les provinces. En somme, ils veulent couper court au débat qui a été lancé lors de la dernière réunion du Conseil de la fédération, à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, le mois dernier, selon lequel le déséquilibre fiscal est de retour.

Étude du Conference Board

Pour étoffer leurs dires, les premiers ministres des provinces ont publié une étude réalisée à leur demande par le Conference Board. Selon cette étude, les provinces et les territoires du Canada verront leurs déficits budgétaires combinés passer de 16 à 172 milliards de dollars d'ici 20 ans si rien n'est fait pour limiter leurs dépenses ou augmenter leurs revenus. Le gouvernement fédéral, de son côté, engrangerait les surplus, qui se chiffreraient à 110 milliards en 2034-2035.

« La prémisse du rapport du Conference Board veut que le fédéral accumule des surplus budgétaires. Or, nous n'avons pas l'intention d'accumuler des surplus. Nous avons plutôt l'intention de diminuer les taxes et les impôts des Canadiens, comme nous l'avons promis. En d'autres mots, nous allons libérer un espace fiscal et les provinces seront libres d'occuper si elles le souhaitent », a déclaré à La Presse Carl Vallée, un proche collaborateur du premier ministre Stephen Harper.

Dans le passé, certaines provinces, dont le Québec et la Nouvelle-Écosse, ont effectivement décidé d'utiliser l'espace fiscal libéré par le gouvernement fédéral quand il a réduit la TPS de 7 à 5 %. Le gouvernement Charest a décidé d'augmenter la TVQ de deux points de pourcentage dans la foulée de la réduction de la TPS.

Le gouvernement Harper estime avoir réglé le dossier du déséquilibre fiscal dans son budget de 2007 quand il a annoncé une hausse substantielle des transferts aux provinces. Les paiements de transferts sont ainsi passés de 42,6 milliards de dollars en 2006-2007 à 65 milliards de dollars en 2014-2015, une somme qu'utilisent les provinces pour financer les programmes sociaux tels que la santé et l'éducation, entre autres choses.

Les transferts fédéraux qu'obtient le Québec sont quant à eux passés de 12,7 milliards de dollars en 2006-2007 à 19,6 milliards en 2014-2014, une hausse de près 50 % en huit ans.

Dans les rangs conservateurs, on garde d'ailleurs un mauvais souvenir de la décision de Jean Charest du printemps 2007 d'utiliser une partie de l'augmentation des paiements d'Ottawa Demi-Cadratin environ 700 millions de dollars Demi-Cadratin pour réduire les impôts des contribuables alors qu'il était en pleine campagne électorale.

Vers l'équilibre budgétaire

Le gouvernement Harper répète par ailleurs qu'il est en voie de rétablir l'équilibre budgétaire sans emprunter la douloureuse méthode des libéraux de Jean Chrétien dans les années 1990. Le gouvernement Chrétien avait réussi à éliminer le déficit en sabrant de manière importante les transferts aux provinces, qui étaient passés de quelque 18 milliards par an à 12 milliards.

En utilisant les surplus pour réduire le fardeau fiscal des contribuables, le gouvernement Harper se trouve aussi à limiter indirectement le pouvoir fédéral de dépenser, estime-t-on dans les rangs conservateurs. L'utilisation de ce pouvoir de dépenser a souvent été une pomme de discorde entre Ottawa et Québec, qui accusait le fédéral de recourir à ce pouvoir pour envahir ses champs de compétence.

« En utilisant les surplus pour baisser les impôts, cela réduit la marge de manoeuvre de tout gouvernement centralisateur pour envahir les compétences des provinces. À moins que ce même gouvernement ne décide d'augmenter les taxes », fait-on valoir.