Le déséquilibre fiscal est de retour. C'est du moins ce qu'ont affirmé les premiers ministres des provinces et des territoires, hier, nouveau rapport du Conference Board à l'appui. Mais le gouvernement Harper n'est pas d'accord du tout.

Selon ce rapport, commandé par le Conseil de la fédération, les provinces et les territoires du Canada verront leurs déficits budgétaires combinés passer de 16 à 172 milliards de dollars d'ici 20 ans si rien n'est fait pour limiter leurs dépenses ou augmenter leurs revenus.

Le gouvernement fédéral, de son côté, engrangerait les surplus, qui se chiffreraient à 110 milliards en 2034-2035.

Ce rapport «montre clairement qu'il y a beaucoup plus de moyens au niveau fédéral et beaucoup plus de besoins au niveau provincial», a tranché le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, en marge du Conseil de la fédération où il est réuni jusqu'à aujourd'hui avec ses homologues.

«On veut bien sûr régler cette situation dans un esprit de collaboration entre les provinces, une alliance des provinces, mais en collaboration avec le gouvernement fédéral également. C'est un enjeu très important», a-t-il ajouté.

Réglé

Mais le gouvernement Harper a une tout autre lecture de la situation. Comme pour d'autres demandes formulées depuis une semaine par des membres du Conseil de la fédération, il s'est montré très peu disposé à opérer une hausse des transferts, alors qu'il compte éliminer le déficit fédéral avant les élections de 2015.

«Il n'y a pas de déséquilibre fiscal, a tranché Carl Vallée, porte-parole du premier ministre Stephen Harper. Les finances de notre gouvernement sont sur la bonne voie parce que nous avons su réduire la croissance de nos dépenses de façon responsable au cours des dernières années, sans couper dans les transferts tant aux provinces qu'aux individus.»

Le premier ministre canadien affirme qu'il a réglé le déséquilibre fiscal en 2007, conformément à sa promesse électorale de l'année précédente. Il n'a d'ailleurs pas digéré la décision de Jean Charest d'utiliser les fonds transférés dans le cadre de cette entente pour réduire les impôts plutôt que d'investir dans les programmes gouvernementaux.

«Nous avons fait nos devoirs de notre côté. Je ne peux pas parler pour les provinces», a ajouté M. Vallée.

Pas réglé

Le premier ministre Couillard a convenu qu'«il y a eu une période pendant laquelle il y a eu une grosse amélioration», mais il a ajouté que «l'écart se refait entre les besoins et les ressources».

«Il y a une chose qui doit changer au Québec, a-t-il cependant ajouté. C'est de toujours mettre la responsabilité de nos problèmes sur d'autres. Oui, il y a une question d'asymétrie, on le voit très bien dans le rapport du Conference Board. [Mais] on a chez nous au Québec des problèmes structurels importants qu'on doit régler également nous-mêmes. Il faut faire les deux.»

Infrastructures et vieillissement

M. Couillard et ses homologues ont décidé de concentrer leurs efforts sur deux questions précises: celle des infrastructures, dans un premier temps, pour réclamer un financement plus important et plus prévisible d'Ottawa.

Ils vont aussi créer un groupe de travail sur le vieillissement de la population, qui pourrait mener à des demandes de financement accru dans le domaine de la santé, notamment.

Ces demandes seront chiffrées au cours des prochains mois, à temps pour les élections fédérales.

Dans un rapport de 2012, les provinces ont évalué que la nouvelle formule de transferts fédéraux dans le domaine de la santé, imposée par Ottawa l'année précédente, les priverait de 36 milliards sur 10 ans à partir de 2018, puisqu'elle limiterait leur augmentation annuelle.

Sans surprise, Ottawa n'est pas du même avis. «En fait, les transferts aux provinces ont continué à croître. Depuis notre entrée en fonction, en 2006, les paiements de transfert aux provinces ont augmenté de 60%», a affirmé M. Vallée.

«Une fois l'équilibre budgétaire rétabli au niveau fédéral, nous allons permettre à tous les Canadiens d'en avoir un peu plus dans leurs poches et réduire à nouveau le fardeau fiscal des contribuables tel que nous l'avons promis», a-t-il précisé.