Le ministre d'État à la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, ne mâche pas ses mots contre le directeur général des élections (DGE) du Canada.

Il accuse Marc Mayrand de s'opposer à la proposition controversée de réforme électorale du gouvernement conservateur dans le seul but de s'approprier plus de pouvoirs et un budget plus important, et d'avoir moins de comptes à rendre au Parlement.

Allant encore plus loin, M. Poilievre a affirmé que M. Mayrand fait des allégations non fondées et «ahurissantes» lorsqu'il critique le projet de loi C-23. Le ministre d'État à la Réforme démocratique a dit vouloir rappeler au DGE que c'est lui qui est au service du Parlement, et non le contraire.

M. Poilievre a témoigné, mardi, devant un comité sénatorial qui a amorcé un «pré-examen» du projet de loi.

Le projet de loi C-23 a été critiqué par de nombreux experts au Canada et à l'étranger. M. Mayrand a souligné ne pas avoir été consulté lors de sa rédaction, pas plus d'ailleurs que le commissaire aux élections, Yves Côté, responsable de l'application de la Loi électorale et des enquêtes sur de présumées fraudes.

Ils ont tous les deux dénoncé le projet de loi du gouvernement conservateur, craignant que C-23 ne soit une entrave aux enquêtes et n'amenuise l'indépendance du commissaire.

Mardi, M. Mayrand a refusé de répondre directement aux attaques de M. Poilievre. Lors de son passage devant le même comité du Sénat, plus tard dans la journée, il a de nouveau disséqué le projet de loi et mis l'accent sur cinq «aspects très préoccupants».

«Mon rôle est de souligner au Parlement certains problèmes qui pourraient surgir de toute loi qui gouverne le processus électoral», a dit M. Mayrand après sa comparution devant le comité.

«Je crois que c'est mon devoir, ma responsabilité, et je tente de le faire avec le meilleur de mes capacités», a-t-il ajouté.

Il a réitéré ses préoccupations sur les restrictions proposées sur l'identification des électeurs - à savoir l'élimination du recours au répondant pour les électeurs qui ne peuvent pas fournir de preuve d'identité et d'adresse - et l'élimination de la carte d'information de l'électeur accompagnée d'une autre pièce d'identité.

Il a dit évaluer à 120 000 le nombre d'électeurs actifs ayant recours à un répondant. Avec les règles proposées, il est probable qu'un grand nombre d'entre eux ne pourra plus voter, a-t-il soutenu.

L'intégrité et l'impartialité de Marc Mayrand ont reçu mardi un vote de confiance de Sheila Fraser, l'ancienne vérificatrice générale hautement respectée qui a dévoilé le scandale des commandites impliquant le précédent gouvernement libéral.

«Je crois qu'il est très malheureux qu'un agent du Parlement soit traité de la sorte», a déclaré Mme Fraser, en ajoutant avoir toujours trouvé M. Mayrand «très honorable» et estimé qu'il prenait son travail «très au sérieux».

Elle a également souligné que les attaques visant M. Mayrand soulevaient des inquiétudes pour les sept agents du Parlement indépendants, incluant le vérificateur général, en semant le doute sur leur impartialité et leur crédibilité, et ultimement, sur leur capacité à faire leur travail.

L'intégrité de Mme Fraser elle-même a été remise en question la semaine dernière lorsqu'elle a critiqué le projet de loi dans une entrevue avec La Presse Canadienne, le qualifiant «d'attaque contre notre démocratie».

M. Poilievre et d'autres conservateurs ont laissé entendre qu'elle n'était rien d'autre qu'une porte-parole payée par Élections Canada, parce qu'elle siège actuellement comme co-présidente d'un comité consultatif mis sur pied par M. Mayrand l'automne dernier. À ce titre, Mme Fraser a droit à une indemnité journalière de 1750 $, jusqu'à concurrence de 65 000 $ sur trois ans. Elle a reçu 2450 $ jusqu'à maintenant.

«J'aurais espéré avoir démontré au fil des ans que je dis ce que je pense et que je ne me laisse pas facilement influencer par les autres», a déclaré Mme Fraser.

L'ancienne vérificatrice générale a exposé ses inquiétudes sur la réforme électorale au comité sénatorial.

Elle a déclaré s'être fait une opinion à travers celle des experts d'Élections Canada et par le biais de sa propre enquête, qui lui a permis de découvrir que sa fille ne pourrait voter si la réforme était adoptée parce qu'elle ne possède pas de documents d'identité appropriés.

Le projet de loi rendrait impossible pour Mme Fraser, ou tout autre citoyen, de se porter garante du lieu de résidence de sa fille.

À l'extérieur du comité, M. Mayrand a souligné que l'exigence d'une preuve de résidence était presque «unique» au Canada. Cette preuve n'est pas requise au Royaume-Uni, en Australie, en Inde ou aux États-Unis, à l'exception d'un État.

Il a dit évaluer à 120 000 le nombre d'électeurs actifs ayant recours à un répondant. Avec les règles proposées, il est probable qu'un grand nombre d'entre eux ne pourra pas voter, a-t-il soutenu.