Le Parti libéral du Canada demande à la conseillère sénatoriale en éthique, Lyse Ricard, d'enquêter sur les agissements du sénateur conservateur Irving Gerstein relativement aux tractations qui ont mené au remboursement des dépenses injustifiées du sénateur Mike Duffy.

La sénatrice libérale Céline Hervieux-Payette a expédié une lettre jeudi à Mme Ricard dans laquelle elle affirme qu'une enquête s'impose dans la foulée des informations glanées par les enquêteurs de la GRC qui se penche sur cette affaire et  du refus de M. Gerstein de répondre aux questions.

Dans un document déposé à la Cour  le mois dernier, la GRC a soutenu que le sénateur Irving Gerstein était prêt à accepter la demande de Nigel Wright, l'ancien chef de cabinet de Stephen Harper, de payer les dépenses de M. Duffy en puisant dans les coffres du Parti conservateur alors qu'on croyait qu'elles s'élevaient à 32 000 $.

Mais il s'est ravisé lorsqu'il a appris que la facture totale s'élevait à 90 000 $. M. Gerstein, qui dirige le Fonds du Parti conservateur, a seulement accepté de rembourser les frais d'avocats de M. Duffy reliés à cette affaire. C'est alors que M. Wright a décidé d'écrire un chèque personnel de 90 000 $ afin d'aider Mike Duffy à rembourser les contribuables. Cette affaire fait toujours l'objet d'une enquête policière.

La GRC a aussi mis la main sur des échanges de courriels qui démontrent que M. Gerstein est intervenu auprès d'une connaissance à l'emploi de la firme Deloitte, Michael Ruina, alors qu'elle avait obtenu le mandat d'un comité du Sénat de passer au peigne fin les dépenses du sénateur Duffy. M. Gerstein aurait tenté de savoir si Deloitte mettrait fin à l'enquête sur M.  Duffy si ce dernier remboursait ses dépenses injustifiées.

Selon Mme Hervieux-Payette, il est manifeste que M. Gerstein a enfreint le Code d'éthique des sénateurs en agissant de la sorte puisque ces derniers doivent remplir leur charge publique « selon les normes les plus élevées de façon à éviter les conflits d'intérêt et à préserver et accroître la confiance du public dans l'intégrité de chaque sénateur et envers le Sénat ».

M. Gerstein a évité de répondre aux questions des médias sur le rôle précis qu'il a joué dans cette controverse. Durant le congrès national du Parti conservateur à Calgary, au début novembre, il a toutefois déclaré devant les militants : « J'ai été absolument clair avec Nigel Wright que le fonds du Parti conservateur du Canada ne paierait jamais pour les dépenses contestées du sénateur Duffy et il n'a jamais servi à cela ».

Aux Communes, les partis de l'opposition ont demandé au premier ministre de suspendre M. Gerstein du caucus conservateur jusqu'à ce que la lumière soit faite. Mais M. Harper a affirmé que seulement deux personnes font l'objet d'une enquête policière, soit Nigel Wright et Mike Duffy.

La firme Deloitte a pour sa part nié que le contenu de son rapport final sur les dépenses de Mike Duffy ait pu être influencé par M. Gerstein ou ses présumés contacts au sein de l'entreprise.

La semaine dernière, M. Gerstein a bloqué une motion libérale visant à le destituer de son poste de président du comité permanent des banques et du commerce du Sénat jusqu'à ce qu'il précise son rôle dans le scandale des dépenses.

En entrevue à La Presse, Mme Hervieux-Payette a affirmé que seule une enquête de la conseillère sénatoriale en éthique peut faire toute la lumière sur les agissements de M. Gerstein.

« Nous traînons cette affaire depuis longtemps. Je pense qu'ils sont les artisans de leur propre malheur. Nous avons fait des démarches auprès du Sénat et on nous a tous simplement envoyer au diable. Ce sont des gens qui ne parlent que de transparence et d'imputabilité depuis qu'ils sont au pouvoir. Il faut aller au fond de toutes ces questions », a-t-elle dit.