Le gouvernement Harper promet d'éliminer le déficit d'ici 2015 et d'adopter une loi qui obligera les gouvernements futurs à présenter des budgets équilibrés.

Le discours du Trône lu par le gouverneur général David Johnston au Sénat mercredi présente un ordre du jour axé sur l'économie, les consommateurs et les symboles nationaux à l'approche du 150e anniversaire de la Confédération et des prochaines élections fédérales.

«Notre gouvernement équilibrera le budget d'ici 2015», peut-on lire dans le texte du discours.

«Il ira même plus loin, ajoute-t-on. Notre gouvernement déposera un projet de loi sur l'équilibre budgétaire. Celui-ci exigera l'adoption de budgets équilibrés en temps normal et fixera un calendrier précis pour le retour à l'équilibre budgétaire en cas de crise économique.»

À deux ans des prochaines élections, le premier ministre Stephen Harper s'est inspiré de certaines propositions défendues par ses adversaires politiques. Il promet par exemple d'enchâsser dans une loi le principe du pollueur-payeur - une idée défendue depuis longtemps par le NPD.

Le gouvernement Harper, qui a retiré le Canada du protocole de Kyoto et s'est maintes fois fait reprocher son inaction dans la lutte contre les changements climatiques, annonce son intention d'imposer des cibles de réduction de GES à l'industrie pétrolière et gazière. Il avait promis de telles mesures plus tôt cette année, mais n'a pas livré sur cet engagement. 

«Notre gouvernement croit que le développement des ressources naturelles doit respecter l'environnement et les Canadiens et Canadiennes s'attendent à ce que ce soit le cas», dit le texte.

Lac-Mégantic

Le discours du Trône a commencé par un moment de silence en hommage aux 47 victimes de Lac-Mégantic.

Le gouvernement a d'ailleurs invité la mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche, et son chef du service des incendies, Denis Lauzon, à assister à la lecture du discours. Quelques passages du texte évoquent la tragédie.

Ottawa imposera notamment de nouvelles contraintes aux sociétés ferroviaires qui transportent des matières dangereuses.

 «Notre gouvernement exigera que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer contractent une assurance additionnelle afin de pouvoir répondre de leurs actes», a déclaré le gouverneur général. 

La Montreal Maine & Atlantic disposait d'une couverture d'assurance d'environ 30 millions au moment du déraillement. Cette somme est nettement insuffisante pour dédommager les victimes et pour financer les efforts de nettoyage. 

Symboles canadiens 

Le gouvernement Harper réitère son intention de célébrer en grande pompe certains anniversaires de l'Histoire canadienne au cours des quatre prochaines années. En plus du 150e anniversaire, il compte célébrer le 200e anniversaire de naissance de deux Pères de la Confédération: John A. Macdonald et Georges-Étienne Cartier, ainsi que le 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale, et le 75e anniversaire de la Deuxième Guerre mondiale.

Le premier ministre Harper tente ainsi de faire appel au patriotisme des Canadiens dans l'espoir de présenter son parti comme le bâtisseur du Canada. «C'est l'heure pour le Canada de briller; ensemble, saisissons notre moment. Et ce faisant, nous tirerons notre inspiration de nos fondateurs: des dirigeants courageux et audacieux», peut-on lire dans le texte. 

Réforme du Sénat 

Non sans ironie, le discours du trône s'est déroulé au Sénat, l'organe qui se trouve au coeur de la pire controverse à avoir ébranlé le gouvernement Harper depuis son arrivée au pouvoir. On ne s'attendait pas à d'importantes annonces du gouvernement à cet égard, mais le discours n'est pas resté muet sur l'avenir de la Chambre haute.

«Le gouvernement demeure convaincu que le statu quo au Sénat du Canada ne peut plus durer, a déclaré le gouverneur général. Ce dernier doit subir une réforme ou être éliminé, comme ses équivalents provinciaux.»

Or, le gouvernement Harper s'est lui-même attaché les mains dans ce dossier, puisqu'il a demandé à la Cour suprême de statuer sur un projet de réforme qui rendrait les sénateurs éligibles. Stephen Harper compte donc laisser la réforme du Sénat en plan jusqu'à ce que le plus haut tribunal du pays lui ait indiqué la marche à suivre. 

Gel du budget de fonctionnement

Afin d'atteindre et de maintenir le déficit zéro, le gouvernement conservateur promet de geler son budget global de fonctionnement. Conséquence: on continuera de restreindre l'embauche des fonctionnaires.

«Tous les jours, les familles canadiennes font des choix difficiles sur la façon dont elles dépensent l'argent qu'elles gagnent durement, a déclaré le gouverneur général. Inspiré par elles, noutre gouvernement continuera de réduire la taille et les coûts de l'administration fédérale pour veiller à ce que l'argent des contribuables soit utilisé judicieusement.» 

Cet objectif risque de provoquer de nouveaux affrontements avec la fonction publique. Dans son premier budget de l'ère majoritaire, Stephen Harper avait annoncé des compressions de 19 000 postes dans l'appareil fédéral.

Libre-échange

Le discours réitère par ailleurs ce que le premier ministre Harper a affirmé mercredi matin: un accord de libre-échange avec l'Union européenne est sur le point d'être officialisé. «Cet accord pourrait créer 80 000 nouveaux emplois canadiens», a lu David Johnston.

Lors du dernier discours du Trône et des dernières élections, en 2011, le gouvernement avait promis de conclure cet accord d'ici 2012 et celui avec l'Inde, d'ici 2013. Quant à ces dernières négociations, il ne s'avance pas sur une date cette fois-ci et se contente de dire qu'il «mène des négociations actives avec le Japon, la Corée du Sud et l'Inde».

Consommateurs

Plusieurs informations quant au contenu du discours avaient déjà commencé à circuler depuis quelques jours, en particulier quant aux promesses qui devaient être faites aux consommateurs. On en retrouve plusieurs, dont des mesures pour réduire les frais d'itinérance pour les téléphones cellulaires, le pouvoir de choisir certaines chaînes de télévision sans être forcé de souscrire au forfait préétabli d'un câblodistributeur, et l'amélioration des réseaux internet à haute vitesse dans les régions rurales.

Le discours ne mentionne pas, toutefois, de «charte des passagers aériens» tel qu'il avait été évoqué. Cette charte viserait à protéger les droits des passagers contre des abus de toutes sortes subis durant leurs voyages.

Charte des valeurs québécoises

Outre Lac-Mégantic, d'autres dossiers qui dominent l'actualité au Québec sont évoqués. Entre autres choses, Ottawa ne laisse planer aucun doute quant à son intention de contester devant les tribunaux toute loi adoptée par l'Assemblée nationale visant à mettre en oeuvre la Charte des valeurs québécoises, si elle est jugée contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. 

«Notre gouvernement n'hésitera pas à protéger les droits fondamentaux de tous les Canadiens et Canadiennes dès qu'ils seront menacés», dit le texte.

D'entrée de jeu, le gouvernement Harper, par la voie du gouverneur général, a d'ailleurs déclaré : «Nous sommes inclusifs. Nous sommes 35 millions de personnes provenant de tous les coins de la planète. Nous saluons la contribution de tous les habitants du pays - du plus ancien au plus récent».

Autre friction possible avec le gouvernement Marois, Ottawa réitère son intention énoncée dans son dernier budget de mettre en oeuvre la Subvention canadienne pour l'emploi. Cette subvention vise à remplacer certains transferts aux provinces destinés à la formation de la main-d'oeuvre en sollicitant le concours des entreprises privées.  

En entrevue avec la Presse canadienne plus tôt cette semaine, le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, a réclamé le maintien du statu quo.

Anciennes promesses et criminalité

Le discours contient aussi son lot d'anciennes promesses. La création d'un nouveau Plan de conservation national, par exemple, avait déjà été évoquée aux dernières élections et dans le dernier discours du Trône.

Le dépôt éventuel d'une Déclaration des droits des victimes a aussi fait l'objet de plusieurs annonces et communiqués de presse.

Sur cette question de la loi et l'ordre, le discours contient aussi sa part de promesses - sans surprise. «Notre gouvernement modifiera la loi afin qu'une sentence à vie soit bel et bien un emprisonnement à vie», dit-on notamment.

«Notre gouvernement déposera de nouveau un projet de loi pour garantir que la sécurité publique passe avant tout» lorsqu'un «délinquant violent reconnu non criminellement responsable de ses actes est remis en liberté dans nos communautés», ajoute-t-on.