Secret et ingérence: voilà ce que redoute l'opposition alors que le gouvernement s'apprête à transformer le Musée des civilisations en musée d'histoire canadienne, et cela, malgré les assurances répétées du ministre James Moore.

Le projet de loi C-49, qui vise à effectuer les changements au musée national situé à Gatineau, était étudié pour la première fois en comité parlementaire, mercredi.

Malgré la tentative du député néo-démocrate Pierre Nantel, la séance de quatre heures de mercredi aura été la seule étude du projet C-49. M. Nantel avait déposé une motion pour ajouter deux autres réunions et ainsi prendre l'avis d'un plus grand nombre de témoins sur le futur du Musée.

Le changement d'orientation s'inscrit dans la planification des célébrations du 150e anniversaire du Canada. Tout devrait être prêt pour 2017.

Le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, a assuré les partis d'opposition que le projet n'est pas partisan. Il fait notamment valoir qu'il a partagé son projet de loi avec les autres partis politiques avant de le déposer, et cite aussi les nombreux appuis qu'il a reçus pour le nouveau musée d'histoire.

Mais l'opposition y décèle une odeur de secret.

Les consultations publiques ne sont pas adéquates et le gouvernement a commencé les rénovations du musée avant même que le projet de loi ne soit voté aux Communes, disent les députés du Nouveau Parti démocratique (NPD) présents au comité.

Et si le musée organise lui-même des consultations publiques, Pierre Nantel les a critiquées: «une consultation publique dans un sous-sol de centre d'achat!», a-t-il raillé au sujet de la consultation faite à Montréal. Il faut plus, juge-t-il.

Quant à l'ingérence gouvernementale, les partis d'opposition craignent que le président directeur-général du musée, Mark O'Neill, ne soit trop près du ministre et que celui-ci n'intervienne dans les décisions prises. Le NPD rappelle que le ministre Moore était intervenu dans le cadre de l'exposition sur le sexe présentée par le Musée des sciences et de la technologie.

Le NPD craint que les conservateurs ne cherchent à réécrire l'histoire, «plus monarchique et plus militaire».

«Il n'y a pas d'intervention, a assuré M. Moore. Parfois, je choisis de donner mon opinion. En aucun moment, jamais, je ne peux, et je ne veux pas non plus, dire à un musée ce qu'il peut ou non exposer».

«C'est la loi», a lancé le ministre qui défendait son projet C-49.

M. O'Neill a dû faire face à bon nombre de questions sur ses liens avec le ministre et la fréquence de leurs contacts et de leurs rencontres.

Face aux critiques, il a toutefois indiqué que les budgets pour les expositions internationales ne seront pas amputés.

M. Moore a de son côté notamment expliqué les changements au Musée par le fait que le Canada a changé et que les expositions, même les permanentes, doivent refléter ces changements. Il a aussi fait valoir que certaines salles d'exposition devaient de toute façon être rénovées.

Le premier directeur du Musée des civilisations, George MacDonald, présent dans la salle, croit que le changement de nom et de mandat du musée fait partie de l'exercice pour imposer l'image de marque conservatrice. Selon lui, dans la communauté muséale, personne ne parlait du besoin d'avoir un musée d'histoire plutôt que des civilisations.

Et cette façon de faire permet au gouvernement conservateur de dire qu'il a créé le musée d'histoire, juge-t-il. À moindre coût puisque l'édifice et les collections étaient déjà là.

«Un coup bas et peu coûteux», dit-il.

L'ancien président directeur général du Musée, Victor Rabinovitch, a déploré que le nom «Musée des civilisations» soit abandonné. Selon lui, il s'agit de la marque ayant connu le plus de succès dans le domaine des musées canadiens. «Une marque qui est connue et respectée de par le monde», a-t-il ajouté dans son témoignage.

Il suggère donc que le nom soit plutôt changé pour le «Musée canadien d'histoire et des civilisations».

Il s'inquiète de plus que la place de la recherche ne soit réduite de façon significative.

«Pourquoi réparer quelque chose qui n'est pas brisé?», a demandé le député néo-démocrate Andrew Cash au sujet du Musée des civilisations.