Pauline Marois n'aura pas le couteau entre les dents et ne fera pas d'«esclandre» à l'occasion de sa première rencontre avec Stephen Harper, cette semaine à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). Elle laissera à la maison la liste de ses revendications à l'intention du gouvernement fédéral.

La première ministre du Québec et son homologue fédéral se rencontreront pour la première fois à l'occasion du 14e Sommet de la francophonie, qui se déroulera dans la capitale congolaise du 12 au 14 octobre. Pauline Marois juge que le contexte ne se prête pas à l'expression de «demandes précises» à M. Harper. Elle veut que cette «première prise de contact» soit «positive, sereine, mais claire quant aux intentions» de son gouvernement souverainiste.

«Il n'y aura pas de liste d'épicerie et il n'y aura pas de coup d'éclat. J'ai l'habitude de dire qu'on ne se chicane pas devant la visite», a-t-elle affirmé hier dans une entrevue accordée à La Presse.

Elle réserve ses revendications pour une autre rencontre. Elle souhaite notamment rapatrier le programme d'assurance emploi et tous les pouvoirs en matière de culture, de communications et de langue. «Je vais rappeler à M. Harper ce qu'il sait déjà: nous sommes une formation politique qui veut faire la souveraineté. Cependant, ce que nous souhaitons pouvoir faire ensemble, c'est que nos intérêts soient défendus. Je vais défendre les intérêts du Québec, le respect de nos compétences. J'aurai l'occasion éventuellement, pas cette fois-ci, de lui indiquer ce que je souhaite de plus pour le Québec», a-t-elle souligné.

Pauline Marois n'entend pas non plus utiliser la tribune du Sommet de la francophonie - rare instance internationale où le Québec parle de sa propre voix - pour faire la promotion de la souveraineté. «Ce n'est pas prévu que je parle de la question nationale», a-t-elle indiqué.

Au cours de l'assemblée plénière, elle insistera plutôt sur «le respect des droits de la personne», ce en quoi le pays hôte du Sommet n'est pas un modèle.

«Si on était muets à Kinshasa [sur cette question], je serais mal à l'aise et probablement que je n'y serais pas allée. Mais on ne sera pas muets», a-t-elle assuré.

Le président Joseph Kabila a été réélu l'an dernier à la suite d'un scrutin controversé. L'Organisation des Nations unies (ONU) a condamné «les violations graves des droits de l'homme commises par les forces de sécurité congolaises» lors des élections. L'Union européenne a pour sa part conclu que les résultats «ne sont pas crédibles» en raison de nombreuses irrégularités et fraudes.

Pauline Marois n'a pas de rencontre avec Joseph Kabila au programme. Elle s'entretiendra toutefois avec des représentants de partis de l'opposition - qui préparent des manifestations en marge du sommet. Elle rencontrera des organisations non gouvernementales (ONG) comme La Voix des sans-voix et Human Rights Watch.

«On ne camoufle pas le fait qu'il y a des problèmes en RDC, et que ces problèmes doivent être abordés franchement et surtout, corrigés. Je me sens plus à l'aise dans cette perspective», a expliqué Mme Marois. Notons que la RDC (environ 70 millions d'habitants) est le pays le plus populeux du monde à avoir le français comme langue officielle.

Le discours de Mme Marois en plénière portera également sur la promotion de la langue française. Les 56 États et gouvernements membres de l'Organisation internationale de la francophonie doivent adopter une politique de défense et de promotion du français dans le monde. Ce sera une première, ironiquement.

Pauline Marois s'envolera pour Kinshasa demain, tout de suite après la réunion de son Conseil des ministres. Après le sommet, elle mettra le cap sur Paris pour sa première visite officielle en France. Elle rencontrera le président François Hollande à l'Élysée. On s'attend à ce qu'il renoue avec la politique traditionnelle de «non-ingérence, non-indifférence» à l'égard du Québec. Son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, l'avait mise au rancart en associant la souveraineté au «sectarisme» et à «l'enfermement sur soi» - une «rupture» dans les relations France-Québec, estime Mme Marois. Sa rencontre avec M. Hollande permettra selon elle de «renouer les liens» et de normaliser les relations des deux gouvernements. Parmi ses activités, elle prononcera un discours devant le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), principale organisation patronale du pays.