Le Canada et Israël ont réaffirmé la force du lien qui les unit, mais le gouvernement Harper a clairement signalé, vendredi, que cette amitié ne contraignait pas nécessairement Ottawa à soutenir un bombardement préventif d'Israël en Iran.

Flanqué de son homologue israélien, Benyamin Nétanyahou, lors d'un point de presse sur la colline parlementaire, Stephen Harper a affirmé que le Canada préconisait une résolution pacifique du conflit qui oppose l'Iran à l'Occident.

Pendant que les deux leaders discutaient en privé dans le bureau du premier ministre Harper, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, tenait le même genre de discours devant les parlementaires à la Chambre des communes.

Le spectre d'un bombardement préventif sur l'Iran plane depuis quelque temps, et M. Nétanyahou n'a rien fait pour dissiper les craintes que certains entretiennent à ce sujet lors de la courte période de questions qui a suivi la déclaration conjointe au Parlement.

Stephen Harper et John Baird y sont tous deux allés de propos qui ont semblé moins belliqueux que leurs dernières déclarations concernant la menace qu'un Iran doté de l'arme nucléaire représenterait pour l'État hébreu.

Certains spécialistes avaient estimé que le gouvernement Harper tentait d'ouvrir la voie à une action militaire préventive en Iran.

Il est vrai que nous avons été très clairs sur les dangers que l'Iran représenterait s'il avait l'arme nucléaire, sur ses intentions et ses capacités. Cela demeure une sérieuse source d'inquiétude pour (notre) pays, et je pense que j'ai exposé ce point de vue très clairement», a affirmé M. Harper lors du point de presse.

En ce qui a trait aux situations hypothétiques - et je pense que le premier ministre (Nétanyahou) en est conscient -, la position du Canada est très claire: nous reconnaissons bien entendu le droit d'Israël de se défendre à titre d'État souverain, à titre d'État juif. Cela dit, nous souhaitons une résolution pacifique de ce dossier. Et nous voulons que tous les gestes soient posés en vue d'une résolution pacifique de cette situation.»

À la Chambre des communes, le chef libéral par intérim, Bob Rae, a déclaré qu'Ottawa ne souhaitait «évidemment pas» une intervention militaire. «C'est pour cela que nous travaillons fort avec les États-Unis, l'Union européenne, la Grande-Bretagne et d'autres pour faire tous les efforts nécessaires sur le plan diplomatique afin de nous assurer que l'Iran ne réussisse pas à se doter de l'arme nucléaire», a exposé M. Rae.

La porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d'affaires étrangères, Hélène Laverdière, a ajouté que l'opposition était inquiète face à la situation iranienne. «Mais la situation dans la région est très délicate, a-t-elle précisé. Une rhétorique téméraire et sujette à controverse ne réglera rien; cela jouera en faveur du régime iranien.

Nous souhaitons que le gouvernement canadien accorde une plus grande importance aux efforts diplomatiques», a-t-elle plaidé.

Rien de tout cela n'a ému Benyamin Nétanyahou outre mesure. Il a déclaré vendredi que si l'Iran se dotait de l'arme nucléaire, il s'agirait d'un moment charnière de l'histoire et cela représenterait, par le fait même, une menace pour le monde entier.

Le leader israélien a affirmé que même si l'Iran accepte de revenir à la table de négociations, il pourrait s'agir d'une ruse lui permettant de poursuivre le développement de son programme nucléaire.

Benyamin Nétanyahou était de passage dans la capitale fédérale dans le cadre d'une visite de trois jours en sol canadien, un périple surtout consacré à des activités privées.

À son arrivée, vendredi matin, il avait confirmé que l'Iran serait au coeur de ses discussions avec Stephen Harper. «L'une des choses dont je voudrais discuter avec vous concerne les remarquables turbulences qui secouent le Moyen-Orient et, évidemment, de la course incessante de l'Iran pour développer des armes nucléaires», avait-il lancé à son hôte lors de la séance de photos qui a précédé leur rencontre.

Je sais, grâce aux nombreuses conversations que nous avons eues, que vous partagez mon point de vue à l'effet qu'il s'agit d'une grave menace à la paix et la sécurité mondiales, et je pense qu'il est important que la communauté internationale ne permette pas à cette menace de se concrétiser.

Comme tout pays souverain, nous nous réservons le droit de nous défendre contre un pays qui veut notre anéantissement et qui travaille en ce sens», a affirmé le premier ministre israélien.

Deux seules questions ont été permises à l'issue du point de presse des deux dirigeants. La première a été accordée à un journaliste israélien, qui s'est adressé à M. Nétanyahou en hébreu. La seconde a été posée par un journaliste canadien.

Le premier ministre d'Israël s'arrête au Canada avant de se rendre à Washington. Il sera reçu à la Maison-Blanche lundi par le président Barack Obama. Il prendra aussi la parole devant l'influent Comité israélo-américain des affaires publiques, comme doit le faire d'ailleurs le président Obama dimanche.