Le Bureau de régie interne, comité de la Chambre des communes chargé d'enquêter sur l'utilisation des fonds publics par le cabinet de Gilles Duceppe, a convoqué l'ex-chef bloquiste à Ottawa le 13 février.

«Le Bureau de régie interne a été informé des enjeux liés à l'utilisation des fonds de la Chambre des communes alloués à l'ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. Le Bureau invitera M. Duceppe à venir discuter de ce cas sous peu», a indiqué Heather Bradley, porte-parole de la Chambre des communes dans une très brève déclaration écrite. Elle a ajouté que le Bureau ne ferait pas d'autres commentaires.

La Presse a révélé samedi dernier que M. Duceppe avait payé le salaire du directeur général du Bloc québécois, Gilbert Gardner, à même le budget de fonctionnement de son cabinet, payé par la Chambre des communes.

M. Gardner, à titre de directeur général du Bloc québécois, a touché un salaire annuel d'environ 100 000$ de 2004 à 2011. La Presse a aussi révélé la semaine dernière que M. Duceppe avait payé au moins un autre directeur général de cette manière, Patrick Marais, en poste de 1998 à 2000.

Selon le Bureau de régie interne, les règles d'utilisation des fonds publics par les députés ne permettent pas de payer le directeur général d'un parti. Tous les partis affirment qu'ils paient eux-mêmes ce salaire.

«Opinion préliminaire»

Mais M. Duceppe et son ancien chef de cabinet, François Leblanc, disent avoir agi de manière légale et transparente après avoir obtenu l'avis d'experts de la Chambre des communes. Ils n'ont pas encore produit cet avis.

Lundi, M. Duceppe a plutôt fait parvenir au Bureau de régie interne un avis juridique «préliminaire» de l'avocat François Gendron, daté du 27 janvier 2012. Le document soutient que le Bloc québécois a respecté les règles: «L'analyse des règlements permet de conclure que le mode de rémunération de M. Gardner était parfaitement légitime», écrit le juriste de Montréal.

Les règlements de la Chambre, note Me Gendron, définissent les fonctions parlementaires comme «les obligations et activités qui se rattachent à la fonction de député, où qu'elles soient exécutées, y compris les affaires publiques ou officielles et les questions partisanes».

Les normes en vigueur accordent en outre une large discrétion aux députés pour l'utilisation des fonds qui leur sont consentis, notamment en matière d'embauche de personnel.

«Il m'apparaît difficile de soutenir qu'un député ne peut pas utiliser les ressources parlementaires à des fins partisanes, à moins de s'écarter du sens courant, naturel et ordinaire des mots [...] et d'introduire dans le texte une volonté étrangère à celle de son auteur», conclut l'avocat.

Me Gendron qualifie son avis juridique d'«opinion préliminaire» parce que, dit-il, il n'a pas eu «accès à la jurisprudence du Bureau de régie interne». Un avocat de la Chambre des communes lui aurait dit que les décisions antérieures du Bureau sont confidentielles.

Son opinion contient en annexe deux exemples de cas où l'ancien directeur général du parti a comparu à ce titre devant un comité de la Chambre des communes. «Cela démontre que la Chambre souscrivait implicitement à une interprétation des règlements qui légitimait cette rémunération», fait valoir le juriste.

On a joint au document une lettre de la Chambre des communes datée du 19 janvier 2004 qui confirme l'embauche de Gilbert Gardner «au bureau du chef du Bloc québécois».

M. Duceppe et son conseiller juridique ont tous deux indiqué qu'ils ne souhaitaient pas accorder d'entrevue aux médias.