Un mois après le scrutin fédéral du 2 mai, une autre élection se dessine actuellement à Ottawa, dans l'ombre, loin des projecteurs.

Comme c'est le cas à chaque rentrée après des élections générales, les 308 députés de la Chambre des communes devront élire, jeudi, leur président, celui qui aura la lourde tâche d'imposer la discipline et de maintenir l'ordre parmi les parlementaires.

Mais cette année revêt un caractère historique. Peter Milliken, qui détient le record de longévité à titre de président de la Chambre des communes, a tiré sa révérence en mars.

Puisque la composition de la Chambre des communes a radicalement changé dans les dernières années, notamment avec l'élection de 108 recrues le 2 mai dernier, une poignée seulement des 308 députés actuels ont ainsi servi sous un autre président.

Élu député libéral pour la première fois en 1988, M. Milliken a été choisi comme président en 2001 et a été réélu après chaque scrutin, malgré l'élection, depuis 2006, de gouvernements conservateurs.

Maintenant majoritaires, les troupes de Stephen Harper devraient choisir un des leurs pour présider les séances de la Chambre, bien que la fonction requière de mettre de côté l'esprit partisan.

Huit députés ont manifesté officiellement leur intérêt pour cette fonction, sept conservateurs (Andrew Scheer, Barry Devolin, Merv Tweed, Lee Richardson, Ed Holder, Dean Allison et Bruce Stanton) et une néo-démocrate, Denise Savoie. Mais selon les règles parlementaires, tous les députés sont candidats à la présidence jusqu'à ce qu'ils retirent leur nom de la liste.

Puis, ceux qui demeureront candidats auront cinq minutes chacun pour se faire valoir devant leurs collègues, après quoi les députés voteront dans un scrutin secret. Cela pourrait nécessiter plusieurs tours puisque le président doit être élu à la majorité, soit avec plus de 50% des votes.

Bien que le Bloc québécois ait été pratiquement décimé aux élections du 2 mai, c'est un député bloquiste, Louis Plamondon, qui présidera à l'élection à titre de doyen de la Chambre: il a été élu député pour la première fois en 1984, alors sous la bannière progressiste-conservatrice.

Autrefois nommé par le premier ministre, le président de la Chambre des communes n'est élu que depuis 1986; John Fraser avait alors été choisi parmi 39 candidats après 11 heures de vote et 11 tours de scrutin.

Candidat bilingue

Dans un français correct mais quelque peu hésitant, Barry Devolin, député d'une circonscription au nord-est de Toronto, dit espérer convaincre ses collègues de son expérience, de sa «force de caractère» pour imposer la discipline et tenir tête aux chefs et leaders parlementaires, et de son sens de l'équité.

«C'est très important que le président comprenne qu'il travaille pour les membres du Parlement, et non pas pour le gouvernement», explique le député, qui précise qu'il ne parlait pas un mot de français il y a six ans, mais qu'il peut maintenant travailler sans traduction «la plupart du temps».

«C'est très important que le président soit bilingue», ajoute-t-il, promettant d'y arriver d'ici deux ans.

M. Devolin et son collègue de la Saskatchewan Andrew Scheer sont les deux favoris pour remporter le scrutin secret: ils ont été vice-président et président de séance lors de la dernière législature, et ils sont les deux candidats conservateurs qui parlent le mieux français.

À 32 ans, Andrew Scheer serait le plus jeune président de l'histoire du Parlement canadien.

La seule candidate d'un parti de l'opposition, la néo-démocrate Denise Savoie, est aussi la seule parfaitement bilingue et la seule femme sur les rangs.

«L'opinion de moins en moins bonne qu'ont les Canadiens de la politique et la diminution du taux de participation sont liées, je pense, à ce qui se passe au Parlement. Les débats ne sont pas très édifiants, souligne Mme Savoie. J'ai décidé de poser ma candidature pour mettre l'accent sur le relèvement du ton et de la qualité des débats.»

Si elle accédait à la plus haute fonction parlementaire, jeudi, elle serait la deuxième femme présidente de la Chambre des communes, mais la première à y être élue puisque Jeanne Sauvé y avait été nommée, en 1980.