Le gouvernement fédéral n'est pas suffisamment préparé pour contrer les cyberattaques. C'est ce qu'a reconnu le ministère de la Sécurité publique du Canada dans un document interne que La Presse a obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Ce document non daté est l'ébauche d'une note ministérielle qui devait accompagner la Stratégie nationale de cybersécurité, lancée en octobre. Il contient ce constat, retiré de la version définitive: «Pour être franc, notre approche face à la cybersécurité au cours des dernières années n'a pas été à la hauteur de la menace qui s'amplifie.»

«Nous continuons à élaborer de bonnes mesures de protection, mais de plusieurs manières, nous entrons dans une nouvelle course à l'armement», ajoute-t-on.

Une telle affirmation de la part du ministre de la Sécurité publique soulève des questions, particulièrement au moment où les reportages sur WikiLeaks et les cyberpirates abondent dans les médias: qui a rédigé cette affirmation sur le retard du Canada dans cette «course à l'armement»? Pourquoi a-t-elle été retirée de la version définitive? Et est-ce qu'elle reflète toujours l'état de la situation, deux mois après l'adoption de la Stratégie nationale de cybersécurité?

Au bureau de l'actuel ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, on a indiqué que ce dernier n'avait pas pris part à la rédaction du message. «Les brouillons sont révisés de manière continue par les fonctionnaires du Ministère. Ils ne sont pas présentés au bureau du ministre tant qu'ils ne sont pas terminés», a expliqué son porte-parole, Chris McCluskey.

Quant à savoir si la menace évoquée pèse toujours sur le gouvernement, le porte-parole s'en est tenu à une réponse vague: «Notre gouvernement reconnaît les défis nouveaux et en pleine évolution que pose l'activité accrue des Canadiens en ligne, a-t-il dit. C'est pourquoi nous avons respecté l'engagement que nous avions pris en 2010 dans le discours du Trône.»

Reflet de la réalité

Le dernier budget fédéral alloue plus de 100 millions de dollars en cinq ans à la Stratégie nationale de cybersécurité. Celle-ci donne au ministère de la Sécurité publique la responsabilité de coordonner les efforts de différents acteurs, dont le Service canadien de renseignement de sécurité et la GRC, pour faire face aux menaces qui pèsent contre le gouvernement, le secteur privé et les citoyens.

On souhaite notamment protéger les documents confidentiels gardés dans les ordinateurs du gouvernement, dont les renseignements personnels des Canadiens. Des puissances étrangères, États ou entreprises, tenteraient fréquemment de déjouer les systèmes de sécurité pour avoir accès à ces données.

La Presse a déjà fait état de l'une de ces attaques, survenue il y a plus de trois ans: des pirates informatiques possiblement chinois avaient tenté de pénétrer dans les systèmes informatiques d'une vingtaine de ministères fédéraux.

Selon un expert en cybersécurité, le constat qui a été retiré de la version définitive de la note ministérielle reflète bien la réalité, encore aujourd'hui. «La Stratégie nationale était un pas en avant. Mais est-ce suffisant?» se demande Dragos Ruiu, consultant en cybersécurité et organisateur d'une conférence importante sur le sujet, CanSecWest, qui se tiendra à Vancouver en mars.

«Le gouvernement tire toujours de l'arrière. Il fait du rattrapage. Mais alors qu'il devrait courir pour suivre la menace, il ne fait que commencer à marcher.»

- Avec William Leclerc