Malgré les demandes de rétrogradation d'un député conservateur, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, s'est rangé derrière son député Serge Ménard, suite aux allégations de ce dernier cette semaine.

Le député Steven Blaney estime qu'à la lumière des révélations de M. Ménard au début de la semaine, son opposant n'est plus digne d'occuper un poste de porte-parole en matière de justice au sein du caucus bloquiste.

 

Mais M. Duceppe n'a pas l'intention de l'écouter. À l'occasion de ses premiers commentaires sur le sujet, mercredi, le chef du Bloc a défendu son député.

L'ancien ministre péquiste, aujourd'hui député du Bloc québécois de la circonscription de Marc-Aurèle-Fortin, a révélé avoir refusé une enveloppe de 10 000 $ qui lui aurait été offerte par le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, il y a plus 15 ans, alors qu'il était candidat à une élection complémentaire.

Même si son député n'a rien révélé pendant 17 années, au cours desquelles il a été ministre à Québec et député à Ottawa, le leader bloquiste a soutenu qu'il appuyait entièrement Serge Ménard.

«Je pense que M. Ménard a adopté une attitude qui l'honore en tenant compte de l'ensemble de la situation et de notre système de droit qui repose sur les preuves», a argué M. Duceppe, bombardé de questions des journalistes alors qu'il était de retour aux Communes après un voyage en Europe la semaine dernière.

M. Ménard n'a rien fait de mal, a soutenu Gilles Duceppe, puisqu'il n'a pas accepté l'argent. Quant au fait qu'il n'ait pas dénoncé la proposition du maire Vaillancourt à l'époque, le leader bloquiste a soutenu qu'il n'avait pas de preuves pour appuyer ses accusations.

«Je pense, moi, que le député doit être en mesure de faire une preuve», a-t-il argué.

Mais après avoir plaidé qu'il ne servait à rien de dénoncer une telle manoeuvre sans preuves à l'appui, le chef du Bloc a semblé dans l'embarras, peinant à s'expliquer, les journalistes lui martelant que les tentatives de corruption se font rarement devant caméras et généralement en privé.

«Écoutez, il faut savoir si, à ce moment-là, on a moyen d'intervenir ou ne pas intervenir. Il est toujours dangereux d'intervenir s'il n'y a aucune preuve. Notre système fonctionne sur ça», s'est-il débattu.

Le chef bloquiste a en outre soutenu que Serge Ménard serait prêt à faire face à la justice, si nécessaire. Le maire de Laval a menacé le député de poursuite, mardi, s'il ne retirait pas ses propos. Quant à M. Vaillancourt, M. Duceppe a estimé qu'il «serait sage qu'il se retire», le temps qu'une enquête soit menée.

M. Ménard fuit quant à lui les journalistes depuis mardi, alors qu'il indiquait dans une déclaration écrite qu'il avait dit ce qu'il avait à dire et qu'il ne ferait pas d'autres commentaires.

Déçu de voir le chef bloquiste défendre son député, M. Blaney a qualifié la situation de «regrettable».

Selon le député conservateur, qui a réclamé pour une deuxième journée consécutive la destitution de M. Ménard, ce silence d'une quinzaine d'années rend le bloquiste inapte à conserver son titre de porte-parole en matière de justice.

Après avoir réclamé sa rétrogradation en Chambre, mardi, M. Blaney a répété sa demande à sa sortie de la réunion de son caucus, mercredi midi, et aux Communes en après-midi.

Mais si M. Blaney insiste, son caucus, lui, ne semble pas aussi convaincu.

Il y avait visiblement un malaise au sein du caucus québécois du Parti conservateur, mercredi, alors qu'on refusait de commenter la sortie de M. Ménard, en entrevue cette semaine à Radio-Canada, ainsi que celle de M. Blaney.

Tous ceux qui ont été questionnés, à l'exception du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, ont souligné que Serge Ménard était fort respecté, et ce, de tous les côtés de la Chambre.

M. Blaney a soutenu qu'il avait lui-même eu l'idée de soulever la question aux Communes, mais il est resté vague quand on lui a demandé s'il avait l'appui de ses collègues.

Du côté libéral, les députés québécois interrogés sur le sujet se sont tous dits en désaccord avec la requête de M. Blaney, tout comme le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, la veille.

Le député conservateur dénonce le fait que l'ancien ministre de la Justice, qui a lui-même promulgué en 1999 une loi exigeant des policiers qu'ils dénoncent les actes répréhensibles commis par un collègue, n'ait pas suivi cette mesure en omettant de rapporter la proposition illégale du maire de Laval, en 1993.

«La question se pose: pourquoi avoir attendu 17 ans et avoir gardé le silence pendant toutes ces années? Pourquoi avoir dit aux policiers de faire une chose et de ne pas avoir appliqué sa propre loi à lui-même?», a demandé M. Blaney.