Au terme d'une journée riche en émotions, les partis de l'opposition ont rejeté mercredi soir le projet de loi conservateur visant à abolir l'obligation d'enregistrer les armes d'épaule.

Un total de 153 députés du Parti libéral, du NPD et du Bloc québécois se sont prononcés contre l'initiative de la députée Candice Hoeppner. En revanche, 151 membres de la Chambre des communes se sont prononcés en faveur, dont 143 conservateurs, deux indépendants et six néo-démocrates.

La députée manitobaine du NPD, Niki Ashton, qui n'avait pas annoncé sa position avant de se lever pour voter, mercredi, s'est finalement rangée du côté de ses adversaires conservateurs. «C'était important pour moi d'apporter la voix des gens autochtones et des gens du nord du Manitoba», a-t-elle expliqué.

Le premier ministre Stephen Harper, qui a affiché un faible sourire parlant toute la durée du vote en regardant vers les bancs de l'opposition, a fait une brève déclaration aux médias, immédiatement après sa sortie de la Chambre.

«L'opposition au registre des armes d'épaule est plus forte que jamais. Et avec le vote de ce soir, son abolition est plus proche que jamais», a-t-il prédit, debout dans les escaliers menant à son bureau et accompagné de la marraine du projet, Candice Hoeppner.

«La population des régions ne va jamais accepter de se faire traiter comme des criminels et nous continuerons nos efforts jusqu'à la victoire finale», a-t-il promis.

Vote déchirant

En pratique, ce qu'une mince majorité de députés a choisi d'adopter, mercredi, était une motion d'un comité parlementaire proposant de mettre un terme à l'étude du projet de loi C-391. Le projet visait à abolir l'obligation d'enregistrer les armes d'épaule, comme les fusils de chasse.

Ainsi, cette nouvelle tentative des troupes de Stephen Harper à mettre un terme à ce registre qu'ils abhorrent a encore une fois échoué.

À l'instar de la néo-démocrate Niki Ashton, le vote de mercredi a été une décision déchirante pour plusieurs députés des autres partis. Ça a été le cas en particulier au Parti libéral, où le chef Michael Ignatieff avait annoncé au printemps dernier que le prochain vote dans ce dossier ne serait pas un vote libre et que ses députés seraient tenus de s'opposer à C-391. Lors du vote en deuxième lecture, huit députés libéraux et douze du NPD s'étaient rangés du côté des conservateurs. Tous représentaient des circonscriptions rurales, où l'opposition au registre est forte, surtout chez les chasseurs et les agriculteurs, qui voient trop d'inconvénients à enregistrer leur arme.

En matinée, les membres du caucus libéral avaient eu droit à un vibrant plaidoyer de la part de l'un des leurs, lors de leur réunion hebdomadaire. Le député de Terre-Neuve Scott Simms a raconté pour la première fois comment son père s'était suicidé avec une arme d'épaule, durant l'été. Selon le Toronto Star, il aurait parlé pendant quelques minutes, disant à ses collègues que ne serait-ce que pour sauver une seule vie, il valait la peine de sauver le registre. Il s'agit d'une volte-face pour Scott Simms: il était l'un des députés libéraux qui avaient voté en faveur de C-391, lors du dernier vote à la Chambre des communes.

Puis, en se rassoyant après avoir voté selon la volonté de son chef, le député libéral du Yukon, Larry Bagnell, lui aussi un opposant du registre, a baissé la tête et, sous les huées provenant des banquettes des conservateurs, a semblé essuyer une larme.

Appel au compromis

Les chefs de chaque parti se sont pour leur part réjouis de l'issue des événements. Ils ont par contre critiqué le premier ministre Harper, qui tente selon eux de diviser la population à des fins électorales.

«La tâche devant nous, maintenant, c'est de créer les ponts. Je sais que M. Harper veut continuer ses politiques de division. Mais nous, nous allons poursuivre nos propositions pour améliorer le registre», a déclaré le chef du NPD, Jack Layton. Il s'est dit heureux que ses nombreux efforts pour convaincre suffisamment de ses députés de voter contre C-391 aient permis de le défaire.

Le chef libéral, Michael Ignatieff, n'a pas fermé la porte à la collaboration évoquée par Jack Layton. «Si c'est possible de travailler avec d'autres parlementaires afin d'améliorer le registre des armes à feu pour l'assouplir, pour gagner la confiance des régions, je veux bien. Mais ce n'est pas la voie choisie par le premier ministre.»

Leur homologue du Bloc québécois, Gilles Duceppe, n'a pas écarté ce genre de collaboration lui non plus, mais il a dit vouloir auparavant étudier des propositions concrètes. Quant aux menaces de Stephen Harper: «On reflète bien la pensée des Québécois, a affirmé M. Duceppe. Si M. Harper veut faire campagne sur cela, il le fera.»

«Moi, je suis très confiant qu'on obtiendra une majorité, encore une fois.»