Après des mois passés à éplucher des milliers de pages de documents concernant les allégations de torture de détenus afghans, les députés fédéraux devraient avoir du nouveau à rapporter au Parlement, estime le Nouveau Parti démocratique (NPD).

Mais si la journée de mercredi était prévue pour le dépôt de documents, au calendrier parlementaire, aucun dossier issu du comité spécial chargé d'étudier les documents traitant du transfert des détenus afghans, ne sera remis aux parlementaires, a-t-on indiqué au ministère de la Justice.

En vertu du calendrier des travaux parlementaires, des documents peuvent être déposés à la Chambre des communes à deux occasions pendant les vacances estivales, soit le 21 juillet et le 18 août.

Les parlementaires devront donc attendre la rentrée, le 20 septembre, avant de pouvoir être informés du contenu des dossiers qu'aura consultés tout au long de l'été le comité ad hoc, mis sur pied au printemps.

Ce qui déçoit le porte-parole du NPD en matière de défense, Jack Harris, car cela prouve selon lui que la «loi du silence» l'a remporté.

«Nos craintes jusqu'à maintenant ont été confirmées, que ça ne sera pas rapide, que ce n'est pas transparent et que ce n'est pas sous le contrôle des parlementaires», a-t-il argué, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Du côté des partis qui prennent part à la consultation des documents, on réplique que le travail vient tout juste de commencer et qu'il est encore beaucoup trop tôt pour songer à divulguer quoique ce soit.

L'opposition tente depuis l'automne de faire la lumière sur le sort qui a été réservé aux prisonniers transférés par le Canada aux autorités afghanes, suite à des allégations de torture, et veut déterminer si le gouvernement avait été averti que ses détenus risquaient des mauvais traitements.

Le gouvernement conservateur s'est entendu avec le Parti libéral et le Bloc québécois, mi-juin, sur un processus permettant de consulter les documents pertinents, sans compromettre la sécurité nationale et celle des Forces armées en dévoilant des informations secrètes.

Mais le NPD avait claqué la porte aux négociations quelques jours avant la conclusion d'une entente, en plaidant que le mécanisme dont avaient convenu les partis ne permettrait pas de faire toute la lumière sur les allégations de torture.

«Si aucun document n'est mis de l'avant demain (mercredi), je devrai en déduire qu'il n'y a pas un intérêt général de s'assurer que les documents circulent, et que la loi du silence l'aura emporté», a déploré M. Harris, quelques heures avant que le gouvernement confirme qu'il ne déposerait rien mercredi.

Pourtant, tous les documents ne contiennent pas des informations sensibles et n'ont donc pas besoin d'être scrutés aussi minutieusement, a-t-il plaidé.

Mais selon le Parti libéral et le Bloc québécois, qui participent aux réunions à huis clos, il est encore beaucoup trop tôt. On doit d'abord laisser le processus suivre son cours, a-t-on argué.

Pour le moment, les députés consultent les 20 000 à 40 000 pages de documents dans le plus grand secret et ils en ont transmis une partie au panel d'experts, mandatés de décider sous quelle forme l'information qui s'y trouve pourra être rendue publique. Les trois juristes ont amorcé la besogne la semaine dernière, et il faut donc leur laisser le temps de faire leur travail, a-t-on souligné à La Presse Canadienne.

«On a toujours dit qu'on voulait avoir des réponses dès que possible (...) mais il faut laisser le processus suivre son cours», a fait valoir le porte-parole de Ralph Goodale, le leader libéral à la Chambre, en précisant qu'il s'agissait d'étudier des dizaines de milliers de pages de documents.

De ce nombre, les députés qui ont prêté serment en ont déjà épluché quelque 8000, a indiqué le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette.

Et selon lui, un premier dépôt de dossiers pourrait se faire à la rentrée parlementaire, dans un peu plus d'un mois.

«S'ils (les juristes) commencent à travailler ces jours-ci, probablement que les premiers dépôts auront lieu, disons, au retour (de la Chambre), vers le 20 septembre», a-t-il estimé, en entrevue téléphonique.

Mais ce sera déjà trop tard, a rétorqué M. Harris, qui estime que le gouvernement conservateur aura ainsi gagné son pari, en étouffant l'affaire qui faisait scandale jusqu'à la fin des travaux parlementaire, fin juin.

Des pages qui ont déjà été consultées, «il y a des éléments qui sont extrêmement intéressants», a par ailleurs avancé M. Paquette. Comme il ne participe toutefois pas aux réunions à huis clos, il n'a pas pu préciser la teneur de ces informations.

Mais s'il s'agit de révélations «suffisamment pertinentes pour les transférer au panel d'experts (...) on peut déduire qu'il y a des informations qui nous permettront de découvrir la vérité», a-t-il estimé.

Le comité ad hoc, composé d'un député conservateur, un libéral et un bloquiste, a commencé à étudier les documents début juillet.