Le gouvernement fédéral a annoncé vendredi qu'il fourbissait ses armes afin de s'attaquer à la contrebande du tabac - et par extension au crime organisé - avec une nouvelle unité de police.

Ottawa a annoncé une série de nouvelles initiatives après que des groupes de pression eurent manifesté pour dénoncer son immobilisme dans le dossier. Ces mesures incluent la mise sur pied d'une unité spéciale de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour lutter contre la contrebande des produits du tabac.

Le Service canadien du renseignement de sécurité estime que 175 organisations criminelles se partagent le marché de la contrebande de cigarettes, et que le deux tiers de ces groupes ont aussi des intérêts dans d'autres domaines d'activités comme le trafic de drogue.

«Nous savons que le commerce illégal du tabac implique (ce qui était jadis) des activités de contrebande sporadiques, qui sont aujourd'hui dominées par des organisations criminelles sophistiquées qui investissent ensuite ces profits...dans la drogue, les armes à feu et d'autres activités illégales», a confié le ministre de la Sécurité publique Vic Toews.

«En conséquence, le démantèlement de ces réseaux est primordial.»

Le gouvernement investira environ sept millions de dollars au cours des trois prochaines années dans cette nouvelle unité qui aura ses bureaux à Cornwall, en Ontario, et qui concentrera principalement ses efforts en Ontario et au Québec.

L'Agence des services frontaliers du Canada s'équipera aussi de chiens renifleurs à Montréal et Vancouver, où la contrebande du tabac sévit de manière particulièrement forte.

Une campagne publicitaire sera également lancée afin de conscientiser les gens aux conséquences liées à l'achat de cigarettes de contrebande.

Les réactions à cette annonce ont été plutôt tièdes vendredi. Les organisations représentant les propriétaires de commerces étaient favorables, tandis que les groupes de protection des droits des non-fumeurs ont déclaré que le gouvernement n'en faisait pas assez.

«(Je suis) vraiment déçu et je crois que les mesures qui ont été annoncées ne sont pas assez coercitives», a dit François Damphousse, de l'Association pour les droits des non-fumeurs.

«Je ne pense pas qu'il y ait là-dedans quelque chose qui puisse s'attaquer à la contrebande de cigarettes au Québec et en Ontario.»

M. Damphousse aurait souhaité qu'il y ait un engagement du gouvernement pour que la GRC puisse entrer et effectuer des saisies sur les réserves amérindiennes, où la majorité des activités de contrebande sont effectuées.

En contrepartie, l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA) a déclaré qu'elle voyait d'un bon oeil cette annonce.

«Ils reconnaissent que, en ce moment, c'est un grave problème», a évoqué Michel Gadbois, vice-président de l'ACDA, qui était aussi présent pour l'annonce du gouvernement.

Plus tôt cette semaine, le gouvernement fédéral avait reçu une évaluation négative de la Coalition nationale de lutte contre le tabac de contrebande (CNCTC). Le groupe de pression estimait que le gouvernement avait échoué dans ses tentatives pour empêcher les cigarettes illégales de se retrouver entre les mains des jeunes, et qu'il n'avait pu éduquer la population canadienne aux conséquences liées à l'achat du tabac de contrebande.

Les statistiques démontrent toutefois que les policiers saisissent de plus en plus de cigarettes de contrebande.

Selon un rapport de la GRC paru en 2009, 975 000 cartons de cigarettes de contrebande ont été saisis à travers le pays, soit une légère hausse par rapport aux 965 000 cartons saisis l'année précédente.

Le CNCTC a souligné que la contrebande de cigarettes, qui représente environ le tiers du marché canadien, coûte environ 2,4 milliards de dollars par année aux contribuables.

L'annonce de vendredi survient dans la foulée de l'injection de 20 millions $ du ministère du Revenu pour combattre la contrebande - montant qui a été recueilli lors d'une entente hors cour entre le gouvernement et deux importantes entreprises canadiennes de tabac en juillet 2008.

Ces initiatives s'additionnent à la création d'une unité spéciale vouée à la lutte contre le tabac de contrebande en mai 2008 et à une entente canado-américaine afin de resserrer la surveillance à la frontière.