Droits et Démocratie, un organisme qui se veut indépendant de toute ingérence partisane, doit se conformer à la politique du gouvernement, estime son président, Gérard Latulippe.

Loin de calmer le jeu, le témoignage très attendu du nouveau président de l'organisme devant un comité parlementaire hier, a soulevé une foule de questions, notamment sur des dépenses excessives.

 

Frais d'avocats, consultants en communication, détective privé, vérification comptable, les dirigeants de Droits et Démocratie ont dépensé plus de 380 000$ dans les deux derniers mois pour gérer la crise qui secoue actuellement l'organisme, selon les coûts présentés en comité par M. Latulippe.

Nommé dans la controverse, le mois dernier, le nouveau président souhaite «rétablir l'unité» au sein de l'organisme aux prises avec «un important problème de gouvernance», a-t-il affirmé dans un témoignage de 80 minutes devant le comité des affaires étrangères.

En janvier dernier, la mort subite du président de l'organisme, Rémy Beauregard, a révélé au grand jour une crise de confiance qui ne cesse de prendre de l'ampleur depuis, avec des démissions fracassantes, des dénonciations publiques et des congédiements expéditifs - contestés en justice.

Au coeur de la crise, les employés de Droits et Démocratie sont allés jusqu'à réclamer la démission de trois dirigeants du conseil d'administration, dont Aurel Braun et Jacques Gauthier, qu'ils accusent de vouloir opérer un virage idéologique plus favorable aux politiques conservatrices du gouvernement de Stephen Harper.

«On ne peut pas entrer en contradiction avec la politique extérieure canadienne dans nos activités et notre programmation», a toutefois jugé le nouveau président, hier, en entrevue à La Presse, donnant ainsi raison à ses détracteurs.

«Notre objectif, à Droits et Démocratie, c'est de donner effet à la charte internationale des droits et libertés, a ajouté M. Latulippe. Et ça, ça fait consensus. Il n'y a pas de contradiction.»

Passé politique

Pour les partis de l'opposition, qui désapprouvaient cette nomination, c'est l'autonomie et l'indépendance de l'organisme qui est en jeu. «C'est clair que M. Latulippe, tout ce qu'il fait, c'est dans le cadre de la politique du gouvernement conservateur», a souligné le critique libéral en affaires étrangères, Bob Rae, déplorant que le nouveau président ait omis, en se présentant au comité, d'inclure dans sa biographie son passé politique, ayant déjà été ministre libéral au Québec et candidat pour l'Alliance canadienne au fédéral.

«C'est un manque de transparence», a estimé M. Rae.

Le nouveau président a d'ailleurs refusé de s'expliquer sur ses positions passées, pour la peine de mort, contre le mariage gai, et sceptique face à l'immigration musulmane, qui selon lui «mine l'intégrité» du Québec.

«Je ne suis pas ici pour débattre de mes positions personnelles», a-t-il dit au comité.

«J'ai participé à des débats démocratiques, que ce soit dans le cadre de la commission sur les accommodements raisonnables ou dans le cadre d'une campagne électorale. J'ai exercé un droit à la liberté d'expression», s'est-il contenté d'ajouter, en entrevue.

Mais la même règle ne semble pas s'appliquer lorsqu'il s'agit de la liberté d'expression des employés de Droits et démocratie, qui ont été muselés par le conseil d'administration, après avoir réclamé la démission de ses membres. «Les employés ne doivent pas communiquer directement avec les médias, ce n'est pas leur rôle de faire ça», a corroboré M. Latulippe.

Pour la députée du Bloc québécois, Francine Lalonde, le gouvernement a choisi M. Latulippe pour «faire le travail», c'est-à-dire selon elle dénaturer Droits et démocratie pour en faire un organisme qui s'engage davantage sur le terrain politique.

Le porte-parole du NPD, Paul Dewar, estime quant à lui qu'il faut remplacer le conseil d'administration, compte tenu de tout ce qui s'est passé dans les derniers mois, y compris les dépenses excessives révélées hier.

«Ils voulaient qu'on parle de transparence et imputabilité. Il faudrait plutôt parler d'hypocrisie, a soutenu M. Dewar. Je ne crois pas que cette relation (entre les employés et le conseil) puisse être réparable.»

«Quand on sait qu'il y a eu une crise causée par trois montants de 15 000$ alloués à des groupes pro-palestiniens, la disproportion est flagrante, a renchéri Mme Lalonde, à propos des frais engagés de plus de 380 000$. Quand il s'agit de changer l'idéologie de Droits et démocratie, on ne regarde pas à l'argent.»