Le premier ministre Stephen Harper a choisi de faire sa première apparition en direct sur YouTube, jeudi, à l'occasion de sa réplique au discours du Trône livré la semaine dernière. Mais malheureusement pour les internautes canadiens qui étaient au rendez-vous, M. Harper n'avait rien de neuf à leur offrir.

Si les chefs d'opposition ont profité de leurs répliques pour reprendre leurs critiques à l'endroit du discours du Trône, du budget et du gouvernement, M. Harper a quant à lui choisi de ne répondre à aucune de ces observations et plutôt de rappeler les réussites de son gouvernement.

Les attaques les plus virulentes de l'opposition sont d'ailleurs venues de la part du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui a soutenu que l'option fédéraliste était un «arbre pourri» pour le Québec, «le recul assuré».

«J'ai des mauvaises nouvelles pour mes adversaires: j'ai le sentiment que le meilleur est devant nous, que le meilleur reste à venir pour le Québec. Et le meilleur pour le Québec, pour les Québécoises et les Québécois, c'est un pays», a conclu le leader bloquiste, au terme de son allocution aux Communes.

Car «le fédéralisme canadien n'a plus rien à offrir», a argué M. Duceppe, dont les propos viennent trancher avec la distance que semblent mettre depuis quelques mois les députés séparatistes du gouvernement québécois avec le projet de la souveraineté.

Citant au passage les positions des conservateurs sur l'environnement, la justice, la langue et la culture, M. Duceppe a réitéré qu'Ottawa nuisait aux intérêts du Québec.

Le leader bloquiste a dénoncé que le gouvernement voulait réduire le poids politique de la province, qu'il refusait de la dédommager pour l'harmonisation de sa taxe de vente et qu'il souhaitait imposer un organisme pancanadien de réglementation des valeurs mobilières.

M. Harper, de son côté, a choisi d'utiliser la majeure partie des 20 minutes de son discours aux Communes pour rappeler les succès des athlètes canadiens aux Jeux olympiques de Vancouver, de l'aide apportée à Haïti, de la mission en Afghanistan et de son plan de relance économique.

Tentant de récupérer tant que possible le mérite des victoires canadiennes aux Jeux d'hiver, auxquelles il a consacré les cinq premières minutes de son discours, le premier ministre a maintes fois associé ces réussites à celles de son gouvernement.

«Tout comme nous obtenons des résultats en sports, nous obtenons aussi des résultats en Afghanistan», a-t-il notamment affirmé.

Quant à sa vision pour l'avenir du pays, M. Harper a simplement rappelé qu'il entendait diminuer le déficit en imposant des réductions des dépenses gouvernementales.

«Pendant la durée de ce Parlement, cette Chambre aura des décisions importantes, parfois difficiles, à prendre (...) Mais de ce côté de la Chambre nous avons fait nos choix. Nous avons conclu qu'une économie ne peut pas être taxée vers la prospérité», a-t-il expliqué.

Répondant au premier ministre, le chef libéral Michael Ignatieff a fait remarquer qu'il n'avait rien entendu pour expliquer la prorogation imposée en décembre par le gouvernement conservateur.

Selon lui, le discours du Trône était décevant, superflu et un «rendez-vous manqué avec l'avenir», ne servant qu'à réparer les pots cassés de la prorogation.

«Plutôt que de relever le défi, ce gouvernement se dérobe», a déploré le leader libéral.

Le premier ministre lui a toutefois renvoyé la balle à son tour.

«J'aurais cru qu'après avoir donné au chef du Parti libéral le temps de travailler à ses propres politiques et de contribuer productivement à l'agenda du pays, qu'il aurait trouvé quelque chose de plus à apporter que l'amendement qu'il a présenté il y a quelques minutes», a rétorqué M. Harper.

Les libéraux souhaitent amender le discours pour faire état de leur souhait que la gouverneure générale ne soit plus dérangée à l'avenir avec des «demandes futiles» de prorogation.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jack Layton, a toutefois abondé dans le même sens que le leader libéral, en reprochant à son tour au discours du Trône de ne rien proposer de nouveau pour aider les Canadiens.

«Plutôt que d'offrir de l'espoir, le gouvernement promet encore du pareil au même», a déploré M. Layton.

L'entourage du premier ministre s'était assuré d'aviser les médias que son allocution serait présentée en direct sur YouTube. Un «média social qui permet aux Canadiens d'avoir un accès non filtré et immédiat à l'information», expliquait-on dans un courriel.

Or, voilà qui témoigne du besoin de M. Harper de contrôler le message, selon ses opposants.

«Ça démontre bien cette compulsion instinctive, et ce n'est pas loin du pléonasme, qu'il a pour tout contrôler», a estimé le chef du Bloc québécois.

Selon M. Ignatieff, le premier ministre évite à tout prix, depuis qu'il dirige le pays, de devoir répondre directement aux questions des citoyens.

«C'est un format de discussion avec les canadiens que j'aime beaucoup. La seule chose c'est que je préfère les Canadiens en chair et en os, a soutenu le leader libéral. Il faut parler avec tous les moyens de la nouvelle technologie, mais il ne faut jamais supprimer ce contact direct avec les Canadiens.»