Le gouvernement Harper s'est empressé hier de rejeter les accusations des trois partis de l'opposition selon lesquelles il s'apprêterait à abolir le comité de la Chambre des communes sur la mission des soldats canadiens en Afghanistan.

Le bureau du premier ministre a été contraint de faire cette mise au point après que le député du NPD Paul Dewar eut affirmé que les conservateurs pourraient être tentés de balayer ainsi sous le tapis la controverse entourant les mauvais traitements infligés par les autorités afghanes aux détenus talibans que leur remettaient les soldats canadiens.

 

Ce comité, qui a entendu en novembre le témoignage explosif de Richard Colvin, ce diplomate qui a passé 18 mois en Afghanistan et qui affirme avoir alerté à plusieurs reprises le gouvernement canadien des risques de torture, a cessé ses travaux officiels à la suite de la décision du premier ministre Stephen Harper de proroger le Parlement, le 30 décembre.

Sur le plan juridique, ce comité n'existe même plus. Pour qu'il puisse continuer ses travaux, il faudra que le gouvernement conservateur le recrée une fois que la Chambre des communes aura repris ses travaux le 3 mars, jour où un nouveau discours du Trône doit être présenté.

«Le gouvernement conservateur a prorogé le Parlement pour étouffer l'affaire des prisonniers afghans. Plus rien ne me surprend de sa part, et je ne serais pas surpris qu'il tente de tuer le comité sur l'Afghanistan», a dit M. Dewar au cours d'une conférence de presse hier matin.

Mais en après-midi, le bureau de M. Harper a fait savoir qu'il avait bel et bien l'intention de recréer ce comité.

«L'Afghanistan demeure une priorité politique et le comité sur l'Afghanistan sera recréé au début de la nouvelle session», a indiqué par courriel Andrew MacDougall, attaché de presse adjoint du premier ministre.

L'opposition dans le doute

Le Parti libéral et le Bloc québécois avaient dit partager les craintes du NPD au sujet de l'avenir du comité. Le chef libéral Michael Ignatieff a soutenu en point de presse que le gouvernement Harper n'avait pas fait preuve de la plus grande transparence jusqu'ici dans le dossier afghan et que les travaux du comité avaient permis d'entendre des témoins qui contredisaient la version des conservateurs sur le traitement des détenus.

Le député du Bloc québécois Claude Bachand a pour sa part affirmé que les trois partis de l'opposition pourraient jouer dur aux Communes si le gouvernement Harper tente de saboter les travaux du comité.

Il a fait valoir qu'ils pourraient notamment exiger la reconstitution rapide du comité en échange de leur appui pour que certains projets de loi soient débattus à la même étape qu'ils étaient avant la prorogation du Parlement, en décembre.

Également hier, le député néo-démocrate Paul Dewar a accusé le gouvernement conservateur de manquer de transparence dans le dossier afghan en refusant de dire combien de détenus ont été remis aux autorités locales par les soldats canadiens.

Il a affirmé que les principaux alliés du Canada, notamment la Grande-Bretagne et les États-Unis, ont dévoilé le nombre de prisonniers faits par leurs militaires respectifs, alors que le gouvernement canadien refuse de le faire au motif que cela pourrait porter atteinte à la sécurité nationale.

«Depuis maintenant quatre ans, le gouvernement Harper refuse de fournir des informations à propos du nombre de détenus qui sont gardés, transférés ou morts en détention. Pourtant, en décembre, nos alliés britanniques ont dévoilé ces informations aux mêmes questions posées par un député conservateur de Grande-Bretagne», a dit M. Dewar.