Pour son tout premier vote à titre de sénateur conservateur, l'ex-entraîneur du tricolore Jacques Demers a choisi de s'abstenir plutôt que de risquer de voter contre ce que lui dicterait ses principes.

Car au hockey, comme au Sénat, il n'est pas toujours facile de concilier le travail d'équipe et le jeu individuel, et le sénateur l'a appris comme n'importe quelle nouvelle recrue, cette semaine, à Ottawa. Le projet de loi faisant l'objet d'un vote, présenté par le libéral Jean Lapointe, portait sur l'interdiction des loteries vidéo dans les bars ou dans tout autre endroit n'étant ni un casino ni un hippodrome ni une salle de paris.

En entrevue à l'émission de variétés «Tout le monde en parle», l'ex-entraîneur du Canadien avait semblé plutôt favorable à ce projet de loi visant à contrer le jeu pathologique, un problème auquel souhaite s'attaquer le sénateur Lapointe depuis de nombreuses années.

«Les problèmes de jeu, ça, ça m'attriste. On va avoir un moment qu'on va étudier ça parce que moi, j'ai beaucoup de respect pour M. Lapointe, et puis on a dit qu'on était pour se parler», avait répondu M. Demers à la question de l'animateur Guy A. Lepage il y a une semaine.

Le problème, c'est que le Parti conservateur s'oppose au projet de loi de M. Lapointe et que les députés et sénateurs qui sont de cette allégeance doivent en principe voter comme le parti l'a décidé.

Et le vote sur le projet de loi sur les loteries vidéo est arrivé un peu vite, aux yeux de M. Demers.

Alors qu'il se dirigeait dans l'enceinte du Sénat mardi pour y prendre son siège, l'analyste sportif s'est fait arrêter par son collègue Pierre-Claude Nolin, qui souhaitait lui expliquer les conséquences d'un tel vote.

S'il votait en faveur du projet de loi, il voterait contre son parti pour son tout premier vote à titre de sénateur, ce qui enverrait un drôle de signal à ses collègues conservateurs. S'il votait contre le projet de loi, certains auraient pu lui remettre sous le nez ses déclarations à l'émission de Radio-Canada.

«Le sénateur Nolin m'a expliqué exactement pourquoi on votait, m'a expliqué la situation, et j'ai compris», a relaté Jacques Demers en entrevue à <i>La Presse</i> Canadienne.

«N'eut été de l'intervention du sénateur Nolin, je me serais fait ramasser, moi. Les gens auraient dit : «mais il a dit ça à la télévision»«, a-t-il convenu.

Pas évident, dans ces circonstances, de trouver l'équilibre entre ses convictions personnelles et la position d'un parti.

«Moi, je veux demeurer un gars d'équipe, c'est sûr, pour les conservateurs», a assuré M. Demers, qui ne veut pas passer pour «un rebelle».

«Je veux être loyal, mais aussi je veux être honnête envers moi-même (...). Je ne veux pas être juste un gars qui est là pour voter, je veux savoir pourquoi je vote. Je ne veux pas être entêté, je veux me servir de mon jugement», a-t-il soutenu.

Les libéraux ont finalement remporté le vote au Sénat (36 votes contre 28) et le projet de loi ira de l'avant pour être étudié en comité. Il y a néanmoins peu de chances qu'il obtienne la sanction royale avant le déclanchement d'une éventuelle élection, qui devrait selon toute vraisemblance survenir dans les prochains mois.

Pour le sénateur Lapointe, qui a présenté un tel projet de loi de nombreuses fois, le temps presse puisqu'il aura 74 ans en décembre. Les sénateurs doivent automatiquement démissionner le jour de leur 75e anniversaire.

Mais Jacques Demers, qui a manifesté son affection pour M. Lapointe, prétend qu'il veut s'informer avant toute chose sur chacun des dossiers sur lesquels il sera amené à se prononcer.

«Un nouveau sénateur, qui est vert, qui vient de rentrer, ne devrait pas immédiatement voter avant qu'on lui pose la question: «es-tu au courant du dossier?» Moi, si je ne suis pas au courant du dossier, je ne voterai pas», a-t-il déclaré.

L'ex-entraîneur sait d'ailleurs qu'on observera ses faits et gestes avec un peu plus d'insistance que pour ceux de ses autres collègues.

«Je sais que comme ancien entraîneur, je vais me faire surveiller plus proche que bien des gens (...). Je veux essayer le plus possible de ne pas me mouiller, d'être sûr et certain de mon affaire, parce qu'on va me juger plus sévèrement».

Jacques Demers a été nommé sénateur par le premier ministre Stephen Harper le 27 août dernier, qui a également désigné huit autres nouveaux représentants à la Chambre haute, dont son ancienne attachée de presse et son organisateur de campagne.