Les partis de l'opposition auront du mal à surmonter leurs divergences d'opinions pour former une coalition apte à succéder au gouvernement Harper. Le PLC et le NPD devront garder les yeux rivés sur leur objectif commun: faire face à la crise économique.

Les jeux de coulisses ont repris de plus belle, hier, sur la colline parlementaire. Le NPD a tenu en matinée un caucus extraordinaire pour informer ses députés de l'évolution des pourparlers et tâter le pouls des membres du parti. «Ils semblent tous unis derrière la décision qui a été prise», a confié une source néo-démocrate.

Hier midi, Jack Layton a appelé en renfort Allan Blakeney, premier ministre néo-démocrate de la Saskatchewan de 1971 à 1982, pour qu'il le conseille dans les jours à venir.

Quant aux négociations entre les émissaires des différentes formations, elles ont repris vers 10h samedi matin.

Les partis doivent trouver un terrain d'entente en vue de renverser Stephen Harper et de former un gouvernement de coalition. Ce n'est pas une mince tâche. Les divergences d'opinions entre le NPD et le Parti libéral, principaux acteurs de cette union extraordinaire, sont légion.

Pierres d'achoppement

On n'a qu'à penser à l'Afghanistan. Les néo-démocrates réclament un retrait immédiat des troupes canadiennes, tandis que le Parti libéral est en faveur d'un retrait de la province de Kandahar en 2011, suivant la résolution adoptée à la Chambre des communes il y a quelques mois.

L'accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique est une autre pomme de discorde. Le NPD demande que le Canada renégocie l'ALENA avec ses partenaires, alors que les libéraux prônent le statu quo.

En matière de fiscalité, Stéphane Dion a traité Jack Layton de socialiste, lors de la dernière campagne, parce que le chef néo-démocrate souhaitait abolir des baisses d'impôts consenties aux entreprises. Cela allait faire perdre des milliers d'emplois au pays, affirmait le chef libéral.

L'environnement est un autre sujet de dissension. Si les deux partis s'entendent sur l'importance d'atteindre les objectifs du protocole de Kyoto, ils divergent d'opinion sur la manière d'y arriver. Le Parti libéral a fait campagne sur la taxe sur le carbone; le NPD favorise un système d'échange des droits de polluer (cap and trade). Par ailleurs, les troupes de Jack Layton souhaitent suspendre l'exploitation des sables bitumineux dans l'Ouest canadien, alors que celles de Stéphane Dion croient pouvoir inciter les entreprises de ce secteur à moins polluer, notamment par l'imposition d'une taxe sur le carbone.

Enfin, sur le front constitutionnel, les néo-démocrates militent pour l'abolition du Sénat, ce qui est loin d'être les cas des libéraux. La majorité à la Chambre haute s'est même avérée un atout politique de poids pour le parti de Stéphane Dion lors de la dernière législature.

À cette équation complexe, il faut ajouter les nombreuses demandes du Bloc québécois. Il va sans dire que les positions du parti souverainiste sont loin de faire l'unanimité à Ottawa. Les libéraux ont par exemple voté contre le projet de loi qui cherchait à imposer la loi 101 aux entreprises et organismes de compétence fédérale qui ont des activités au Québec. Le projet de loi visant à soustraire le Québec à l'application de la Loi sur le multiculturalisme n'a pas non plus obtenu leur assentiment.

On peut aussi croire que le concept de souveraineté culturelle prôné par le Bloc, qui est en fait la volonté de rapatrier au Québec tous les pouvoirs en matière de culture, ne trouvera pas une oreille très attentive chez les députés plus fédéralistes des autres partis.¸

L'économie d'abord

Mais des stratèges affirment que tous ces désaccords de principe n'ont pas, jusqu'ici, posé d'obstacle insurmontable aux négociations.

«Pour l'instant, les discussions portent surtout sur l'économie, sur le plan pour faire face à la crise, a déclaré une source néo-démocrate. Les autres choses, comme l'Afghanistan, on n'en a pas vraiment discuté jusqu'ici. On va d'abord s'entendre sur la priorité no1.»

«Trouver un terrain d'entente semble maintenant plus facile à envisager qu'il y a à peine deux semaines », juge pour sa part le critique libéral en matière de Finances, Scott Brison.

Comme aux États-Unis avec Barack Obama, «il y a de plus en plus consensus sur le fait qu'au Canada, les partis doivent être prêts à coopérer pour affronter la crise économique», a-t-il ajouté.

«Il est clair que, si nous parvenons à former un gouvernement de coalition dirigé par le Parti libéral, nous devrons nous plier à certains principes pour une période déterminée», a conclu le député néo-écossais.

«Comme le disait Bill Clinton: c'est l'économie, imbécile!»

- Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance