Michaëlle Jean pourrait être contrainte d'écourter sa tournée en Europe si les conservateurs perdent la confiance de la Chambre le 8 décembre. Pour la deuxième fois de l'histoire du Canada, la gouverneure générale pourrait également refuser de déclencher des élections et proposer à l'opposition de former un gouvernement de coalition.

«C'est techniquement possible, mais ce serait très controversé», explique le professeur en droit constitutionnel à l'Université de Montréal, José Woehrling.

 

Normalement, lorsqu'un parti au pouvoir n'obtient pas une majorité de voix lors d'un vote de confiance à la Chambre des communes, le premier ministre demande à la gouverneure générale de déclencher des élections. La gouverneure générale aurait toutefois le pouvoir constitutionnel de refuser de dissoudre le Parlement si ce n'est pas dans l'intérêt du pays. Elle pourrait par exemple citer le fait qu'il y a eu un scrutin il y a à peine deux mois.

«Les constitutionnalistes ne s'entendent pas sur ce point, souligne José Woehrling. Si, par exemple, elle invitait les libéraux et le NPD à former un nouveau gouvernement, il y aurait une bonne partie de l'opinion publique et des spécialistes qui seraient contre. Sans compter les partis politiques écartés. Le problème, c'est que ce type de décisions ne peut pas être contesté devant les tribunaux.»

Le Canada a connu un seul gouvernement de coalition dans son histoire. En 1917, les ministres conservateurs du Québec s'allient aux libéraux pour s'opposer à la conscription proposée par leur leader. Ils formeront ensuite le premier et seul gouvernement où le cabinet est composé de ministres issus de deux partis.

«Cet épisode a provoqué une crise constitutionnelle qui s'est rendue jusqu'à la reine d'Angleterre, dit José Woehrling. La balle pourrait encore être prise dans le camp des Anglais.»

Prête à sauter dans un avion

Selon Lucie Caron, du bureau du secrétaire de la gouverneure générale, Mme Jean est très au courant de ses responsabilités constitutionnelles.

La gouverneure générale, qui est en tournée en Europe jusqu'au 6 décembre, pourrait devoir sauter dans un avion plus tôt que prévu.

«Si elle doit revenir, les plans sont place pour le faire», a affirmé Mme Caron.

 

Les scénarios possibles

1. Les trois partis de l'opposition votent contre l'énoncé économique. Comme il s'agit d'un vote de confiance, le gouvernement minoritaire de Stephen Harper tombe. Le premier ministre se rend chez la gouverneure générale Michaëlle Jean et lui demande de dissoudre la Chambre. Des élections générales sont déclenchées.

2. En raison du tout récent scrutin, la gouverneure générale refuse de dissoudre la Chambre. Elle demande au Parti libéral, qui constitue l'opposition officielle, de former un gouvernement de coalition.

3. Le gouvernement Harper tient le vote mais retire de son énoncé son intention d'abolir la contribution fédérale aux partis politiques.

4. Une vingtaine de députés de l'opposition s'absentent des communes le soir du vote et la motion du gouvernement Harper est adoptée de justesse.