La société montréalaise Element AI n'a pas encore fêté sa première année puisqu'elle a été fondée en octobre 2016. Mais au début du mois de juin, elle a annoncé que des fonds de 139 millions avaient été amassés auprès de plusieurs investisseurs pour propulser sa croissance.

On peut dire que cette entreprise spécialisée en intelligence artificielle a le vent dans les voiles. C'est pourquoi La Presse a choisi son cofondateur et président-directeur général, Jean-François Gagné, 36 ans, comme personnalité de la semaine.

Que fait Element AI ? Elle aide les entreprises à mettre en application les dernières découvertes en intelligence artificielle, à l'intégrer dans leur fonctionnement.

Et l'intelligence artificielle peut aider partout. En finance, en recherche scientifique, en logistique, en apprentissage... Ce sont des moteurs de recherche qui vont au-devant de vos besoins durant vos recherches d'information, c'est le système d'assistance téléphonique capable de reconnaître la voix ou le service à la clientèle automatisé, ce sont des systèmes d'analyse financière, ce sont des plateformes d'enseignement automatique ou des mécanismes d'analyse de données et d'aide à la prise de décision, etc.

Element AI aide les entreprises à voir comment elles peuvent utiliser les connaissances en intelligence artificielle pour améliorer leur fonctionnement et appliquer des solutions. « On offre des solutions clés en main, donc des logiciels et du service-conseil », explique Jean-François Gagné en entrevue.

Croissance effrénée

Element AI, qui vient d'ouvrir un bureau à Toronto, a donc tant des projets en cours avec la Banque Nationale, par exemple, qu'avec Hanwha, immense conglomérat coréen actif aussi bien dans les services financiers que dans le développement de l'énergie solaire.

Il y a beaucoup d'effervescence autour des possibilités offertes par ces nouvelles avenues informatiques, explique l'entrepreneur. Mais il est parfois difficile d'implanter des solutions. C'est là qu'entre en jeu l'expertise d'Element AI. 

« En gros, l'intelligence artificielle donne de nouveaux outils qui peuvent faire la différence. C'est comme la différence entre marcher et prendre un vélo. Mais encore faut-il développer cette aptitude. »

Le principal concurrent d'Element AI s'appelle IBM Watson. Un géant. Mais la demande est forte et il y a de la place pour ceux qui veulent percer dans ce secteur. En ce moment, Element AI embauche et embauche encore. « De cinq à dix personnes par semaine », dit M. Gagné.

Des équipes de soutien technique, des ingénieurs, des gens qui ont un doctorat en mathématiques ou en intelligence artificielle, des diplômés en informatique, des analystes en amont pour trouver des stratégies et offrir du « service-conseil »... La palette de talents recherchés est vaste.

« Actuellement, explique Jean-François Gagné, il y a une grande demande pour cela en Asie. »

Une partie des nouveaux capitaux serviront donc à ouvrir des bureaux à Singapour, Séoul et Tokyo. Des travailleurs locaux seront embauchés, mais il y aura aussi des équipes de Montréal et de Toronto envoyées là-bas pour superviser l'installation.

Expériences en entrepreneuriat

Jean-François Gagné, fils d'entrepreneurs en construction - son père et sa mère - qui a grandi à Repentigny, est ce qu'on pourrait appeler un décrocheur. Et c'est à travers un boulot au départ modeste chez Rona qu'il a commencé à programmer et à chercher des solutions informatiques pour régler des problèmes. Il s'est ainsi fait remarquer et, de promotion en promotion, le jeune homme passionné de code s'est retrouvé à la tête du soutien informatique. Là, il a pu voir quelles étaient les lacunes des logiciels, ce qui ouvrait la porte à de nouvelles recherches de meilleures façons de faire.

On lui a offert un emploi à temps plein consistant uniquement à développer ces solutions informatiques, mais il a préféré tout quitter pour lancer sa première entreprise, Logiweb. Il avait alors 21 ans. Il a vendu cette entreprise, a ensuite fondé Planora, qui a été vendue aussi. Jean-François Gagné a été intégré chez l'acheteur et s'est retrouvé au sein de l'équipe de direction de JDA Software, grande entreprise de logiciels de l'Arizona, où il gérait un portefeuille de plus de 100 produits et supervisait quelque 1400 développeurs dans plus de 20 pays à travers le monde, dit sa biographie. Tout ça à 31 ans.

Aujourd'hui, Jean-François Gagné pilote sa propre boîte, fondée avec Yoshua Bengio, chercheur de l'Université de Montréal. Et l'avenir semble très prometteur. Parce que l'intelligence artificielle est en pleine explosion. Doit-on s'en inquiéter ? « Il faut d'abord comprendre comment ça marche et voir comment on peut tous s'en servir », répond l'informaticien. Doit-on tous devenir développeurs ? Pas nécessairement, explique-t-il. Parce que si c'est très demandé maintenant, ce ne le sera peut-être pas dans 15 ou 20 ans. Ce qu'il faut, dit-il, c'est comprendre ce que sont ces outils et acquérir des habiletés pour s'en servir.

Parce que c'est de transformation structurelle dans les façons de faire les choses que l'on parle. Pas de la fin du travail humain.

JEAN-FRANÇOIS GAGNÉ EN QUELQUES CHOIX

• Un film préféré: The Matrix

• Un livre préféré: Foundation d'Isaac Asimov

• Une phrase préférée: « On récolte ce que l'on sème. »

• Un personnage historique préféré: Thomas Edison

• Un personnage contemporain préféré: Steve Jobs

• Si vous alliez manifester, pour quelle cause le feriez-vous et qu'écririez-vous sur votre pancarte ?

« Je manifesterais pour que l'internet soit considéré comme un service essentiel et ma pancarte dirait : "Libre accès à l'information, au savoir, à l'éducation". »