(Ottawa) « Oh, Jesus ». La grande patronne de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, n’a pu retenir l’expression de son exaspération en comité après avoir été accusée de mentir par la députée conservatrice Rachael Thomas, jeudi matin.

Comme le laissait présager la rencontre du Comité permanent du patrimoine canadien où l’élue conservatrice a accusé CBC d’être du côté du Hamas, le témoignage de la présidente-directrice générale de la société d’État s’est déroulé dans l’hostilité.

La députée Rachael Thomas n’a pas réitéré explicitement ces propos – sa collègue Melissa Lantsman, avec qui elle partageait son temps de parole a toutefois accusé le diffuseur d’« aider le Hamas » en demandant à ses journalistes d’éviter le mot « terroriste » pour désigner les miliciens du Hamas.

Mais dans un échange tendu où elle exigeait des excuses de Catherine Tait pour le choix d’un titre attribuant, initialement, la frappe dans l’enceinte d’un hôpital de Gaza à Israël, l’élue albertaine est allée jusqu’à l’accuser de mentir au comité.

« Mme Tait semble aimer rectifier les faits ici, mais malheureusement, pas s’assurer de rectifier les faits au bénéfice du public canadien […] Elle a affirmé que la confiance était d’une importance capitale, mais dire la vérité ne figure clairement pas dans sa définition de mériter la confiance », a-t-elle lâché.

Le « Oh Jesus » de son interlocutrice a suivi, et le libéral Taleeb Noormohamed s’est interposé.

« Juste pour être clair, j’ai entendu, je crois, Mme Thomas, accuser le témoin de mentir ? Je veux juste être certain que ce n’est pas ce qui est en train de se produire », a-t-il vérifié.

La députée a résisté, ce qui a poussé le néo-démocrate Peter Julian à demander une rétractation pour ces propos « incroyablement non parlementaires » et « inappropriés » au sein d’un comité qui n’est pas « un combat de ruelle ».

« Ce n’était évidemment pas mon intention, mais évidemment, la coalition de la censure va tenter de me réduire au silence », a plaidé la députée conservatrice.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La députée conservatrice Rachael Thomas

Elle est revenue à la charge un peu plus tard en se disant « curieuse » de comprendre pourquoi CBC/Radio-Canada peut se targuer d’être indépendante du gouvernement, car la société d’État ne survivrait pas sans son financement annuel de 1,4 milliard qui « vient à 100 % du gouvernement ».

« Juste pour rectifier les faits, le financement ne vient pas à 100 % du gouvernement, a noté Catherine Tait. Notre budget est de 1,8 milliard. Le reste, 400 millions supplémentaires, vient de revenus publicitaires et d’abonnements. »

« Faux titre »

Le ton avait été donné dès les premières minutes de cette comparution qui a duré un peu plus d’une heure.

« Le 17 octobre, CBC a publié un faux titre qui attribuait erronément à Israël la responsabilité de l’explosion à Gaza, en se fondant sur de la dangereuse désinformation », a reproché la députée Melissa Lantsman, qui est aussi cheffe adjointe du Parti conservateur.

Soulignant dans un premier temps que le texte était fondé sur des informations venant de l’agence Associated Press, « source fiable » qui était citée dans l’article, Catherine Tait a exposé que 90 minutes plus tard, quand les informations corrigées avaient été reçues, elles avaient été mises à jour sur le web.

Et elle a refusé net de présenter des excuses, comme l’exigeait la députée.

« Je ne m’excuserai pas, parce que notre journalisme figure parmi les meilleurs au monde », a tranché Mme Tait.

Danger d’ingérence politique

D’entrée de jeu, dans sa courte déclaration d’ouverture, elle s’était dite préoccupée des tentatives d’ingérence politique.

« Je m’inquiète du fait que certains veulent exploiter le pouvoir d’un comité parlementaire pour faire pression sur nos employés responsables de notre journalisme au quotidien », a-t-elle plaidé.

Les députés conservateurs qui siègent au Comité permanent du Patrimoine canadien ont tenté plus d’une fois de convoquer des cadres de la société d’État pour les entendre au sujet de la couverture de la guerre entre Israël et le Hamas.

Les élus des autres partis, qui, réunis, sont majoritaires, ont bloqué l’adoption de motions allant en ce sens.