(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a fait savoir que le Canada n’a aucun moyen d’évacuer ses ressortissants du Soudan, où la violence s’est considérablement intensifiée entre l’armée du pays et sa force paramilitaire rivale.

« L’aéroport est actuellement inaccessible ; les rues ne sont pas sûres. La situation est donc extrêmement grave », a déclaré Mme Joly lors d’une entrevue jeudi.

« Il n’est pas possible pour le moment de procéder à une quelconque évacuation. Ce que nous disons aux Canadiens, c’est de s’abriter sur place ».

Les rues de la capitale Khartoum étaient généralement calmes il y a une semaine, mais une dispute au sujet d’une transition prévue vers un régime démocratique a dégénéré en batailles acharnées entre les deux groupes, samedi dernier.

À la connaissance du ministère des Affaires étrangères, environ 1500 Canadiens sont enregistrés comme sur le territoire du Soudan, et Mme Joly exhorte tous ceux qui se trouvent dans ce pays et qui n’ont pas encore communiqué leurs renseignements au gouvernement à le faire.

« Il est important que nous puissions savoir qui est présent dans le pays », a expliqué Mme Joly.

La ministre a précisé que tous les diplomates canadiens et le personnel local engagé ont été recensés et qu’ils tentent d’offrir leurs services tout en travaillant à distance.

« C’est une situation difficile dans laquelle nous opérons, mais nous sommes là », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’ambassade du Canada se trouve dans une zone qui fait actuellement partie des combats actifs.

Une montée de la violence anticipée

L’armée du Soudan a exclu toute négociation avec les forces paramilitaires soudanaises jeudi, augmentant ainsi la probabilité d’une nouvelle montée de la violence qui dure depuis près d’une semaine et qui a tué des centaines de personnes et poussé la population soudanaise à la limite de ses ressources.

De nombreuses personnes ont tenté de fuir Khartoum lors d’un bref cessez-le-feu, le deuxième cette semaine, qui a laissé place à de nouveaux combats.

Selon l’Organisation mondiale de la santé des Nations unies, au moins 330 personnes ont été tuées et 3300 blessées depuis le début des combats samedi, mais le bilan est probablement plus lourd, car de nombreux corps ne sont pas récupérés dans les rues.

Les États-Unis et d’autres pays s’attendent à une escalade de la violence et se préparent à évacuer leurs ressortissants au Soudan. Et ce, bien que les groupes en conflit empêchent des déplacements de personnes hors de Khartoum et que des combats se déroulent dans de nombreux aéroports.

Des responsables de l’administration Biden ont indiqué que l’armée américaine déplaçait des ressources vers une base située à Djibouti, pays de la Corne de l’Afrique, en vue d’une éventuelle évacuation de diplomates. Le Japon prévoit d’envoyer des avions militaires à Djibouti et les Pays-Bas ont envoyé les leurs en Jordanie.

Mme Joly n’a pas voulu préciser les éventualités envisagées par le Canada.

« Nous évaluons la situation en permanence et nous travaillons avec les pays, les partenaires et les alliés, car nous sommes tous dans la même situation », a-t-elle dit.

Mme Joly a indiqué qu’elle avait discuté de la situation mardi avec les autres ministres des Affaires étrangères du G7 au Japon. Elle prévoit de s’entretenir prochainement avec ses homologues de l’Union africaine ainsi qu’avec des pays voisins tels que l’Égypte et le Djibouti au sujet de la protection des citoyens et de la désescalade.

Le pays près du point de rupture

Les habitants de Khartoum manquent de nourriture et d’eau. L’alerte a été lancée sur le fait que le système médical du pays était sur le point de s’effondrer, de nombreux hôpitaux ayant été contraints de fermer leurs portes et d’autres étant à court de fournitures.

Les conseils aux voyageurs du Canada avertissent que les réseaux de télécommunication du Soudan pourraient s’effondrer sans préavis.

« La situation en matière de sécurité est très instable. On signale des cas de vol de maisons privées. On signale également des attaques et des agressions sexuelles, y compris des viols. Les étrangers et le personnel des organisations internationales ont été pris pour cible », peut-on lire dans une mise à jour datant de jeudi.

Bob Rae, ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, a déclaré que la détérioration soudaine de la situation au Soudan constituait « une leçon pour nous tous » sur les problèmes qui engendrent l’insécurité et les conflits.

« Personne ne devrait être stupéfait ou indifférent. Et cela signifie que des pays comme le Canada doivent être mieux préparés », a écrit M. Rae sur Twitter.

Selon Mme Joly, l’augmentation du nombre de conflits dans le monde requiert qu’Ottawa renforce son service extérieur, afin de fournir aux Canadiens une assistance consulaire et d’essayer de trouver la paix.

L’Uppsala Conflict Data Program a recensé 54 conflits d’État en 2021, soit le nombre le plus élevé depuis 1946 et un peu plus que ceux enregistrés au début des années 1990.

« Il y a une montée de l’instabilité, et c’est pourquoi nous devons continuer à investir dans notre diplomatie pour être présents partout dans le monde », a souligné Mme Joly.

« Nous devons nous assurer que nous sommes là pour prévenir les conflits. Et aussi, lorsqu’un conflit survient, pour désamorcer l’escalade ».

Avec des informations de l’Associated Press