La découverte de plaques d'immatriculation du Québec dans une cache de rebelles djihadistes en Syrie, au milieu d'équipements servant à fabriquer des bombes artisanales, laisse policiers et services de renseignement canadiens perplexes.

L'affaire est d'autant plus intrigante lorsque l'on sait que des djihadistes canadiens combattent actuellement en Syrie au sein des factions rebelles. Au moins trois d'entre eux y ont trouvé la mort dans ce pays considéré par la GRC comme un «théâtre important d'opérations pour les terroristes».

Ces trois plaques d'immatriculation apparaissent dans une vidéo tournée il y a quelques semaines par ANNA, une mystérieuse agence de presse abkhaze (région séparatiste pro-Russe de la Géorgie) accompagnant l'armée syrienne lors d'une opération militaire dans l'est de la province de Homs.

À un moment donné, sur le document visionné par La Presse, on aperçoit des images de ce qui est décrit par le commentateur russe comme une «cache souterraine contenant du matériel militaire et appartenant aux rebelles du Front Al-Nosra».

Le sol est jonché de vêtements, de sacs de nourriture. La caméra s'attarde sur une bobine de fil électrique, trois plaques d'immatriculation du Québec puis une dizaine de fioles de Phostoxin. Ce pesticide au phosphure d'aluminium se transforme en gaz toxique et inflammable au contact de l'eau ou de l'acide. Il provoque aussi des nausées, vomissements et pertes de conscience en cas d'ingestion ou d'inhalation.

L'agence ANNA n'a pas répondu au courriel de La Presse. Bien qu'il soit difficile de vérifier l'authenticité de ces images, la question qui se pose désormais est de savoir comment ces trois plaques de la SAAQ ont abouti dans un bastion djihadiste à des milliers de kilomètres du Québec.

La GRC, chargée de la lutte au terrorisme au Canada, a simplement répondu par courriel à La Presse «ne pas être en mesure de parler de l'authenticité de la vidéo ni de spéculer sur la façon dont les plaques y figurent.»

Autos volées au Québec?

Pour Ray Boisvert, ex-directeur adjoint du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l'une des hypothèses à envisager est que ces plaques seraient des «trophées» d'autos volées au Québec, expédiées depuis le port de Montréal vers le Liban et utilisées ensuite en Syrie.

Si tel est le cas, il serait intéressant de savoir si le réseau de voleurs d'autos en activité au Québec est lié directement ou pas aux groupes djihadistes combattant en Syrie.

Le conflit syrien est devenu le pôle d'attraction numéro un de centaines de mercenaires islamistes, y compris des convertis, venus de l'étranger pour affronter les troupes du président Assad et ses milices alliées du Hezbollah libanais. Personne n'en connaît le nombre exact. Les estimations varient de 3000 à 5000.

«Des dizaines de Canadiens ont quitté le pays ou comptent le faire pour participer à des activités terroristes à l'étranger, et la Syrie est maintenant l'une de leurs principales destinations, rappelle Tahera Mufti, du SCRS. C'est un problème sérieux».

La GRC s'émeut elle aussi des conséquences de ce conflit meurtrier et de la «tragédie humanitaire» qu'il entraîne dans son récent Rapport sur la menace terroriste pour le Canada: «Cette guerre civile est en voie de transformer la Syrie en un centre d'activité terroriste qui augmentera la menace terroriste planant sur le Canada, les Canadiens et les intérêts du pays».

À l'image du Canada, tous les pays occidentaux sont désormais préoccupés par les conséquences du retour dans leur pays d'origine de ces centaines de mercenaires du djihad. Les services de renseignements craignent qu'ils ne mettent à profit leur expérience paramilitaire acquise en Syrie pour préparer des attentats ou radicaliser d'autres individus.