Huit mois après la mort d'un homme de 71 ans à une intersection jugée dangereuse, un coroner critique sévèrement l'inaction de la Ville de Montréal. Même si le service de police et l'arrondissement ont tous deux jugé que le lieu était mal éclairé, pratiquement rien n'a encore été fait pour le rendre plus sécuritaire.

« Les gens ont de la difficulté à traverser à cet endroit, déplore la fille de la victime. Il y a des familles, des mères avec leur poussette, des personnes âgées. La Ville n'a rien fait. »

Non seulement Montréal doit corriger la situation, tranche le coroner, mais encore il recommande que l'éclairage de toutes les intersections les plus passantes de l'île soient évaluées et que les lampadaires soient entretenus régulièrement.

Environnement non sécuritaire

Il faisait noir quand Lino Cierzo s'est engagé sur le court passage piétonnier qui traverse la rue Provost près de la 32e Avenue, à Lachine, une des artères les plus passantes du quartier.

L'homme n'était qu'à quelques pas de chez lui. Il avait presque fini de traverser lorsqu'une voiture l'a heurté à la hanche. Il a rebondi sur le capot, puis est tombé par terre. Pas violemment. Il n'a pas perdu connaissance. Il ne saignait même pas.

À l'hôpital, on lui a diagnostiqué une fracture du bassin et une hémorragie interne. Il a été opéré. Il ne s'est jamais réveillé. Il est mort cinq jours plus tard.

Selon l'enquête du coroner Jacques Ramsey, dont La Presse a obtenu copie, le conducteur du véhicule qui a frappé M. Cierzo ne l'a tout simplement pas vu. Pourquoi ? Il faisait trop sombre.

« L'enquête policière a révélé que l'éclairage au niveau du passage piétonnier était déficient. Il s'agit d'endroits critiques qui requièrent une attention particulière [...], particulièrement aux traverses où la vitesse des automobilistes est réputée être plus grande comme c'est le cas sur la rue Provost. », peut-on lire dans le rapport du coroner.

Au niveau du passage piétonnier, la limite de vitesse est fixée à 30 km/h. Lors d'une visite de La Presse, à la même heure où a eu lieu l'accident qui a tué Lino Cierzo, il a été facile de constater que la plupart des conducteurs roulent au-delà de la limite permise.

« Personne ne roule à 30. Les gens arrivent de l'autoroute et ils sont pressés. Ou bien ils se dépêchent pour attraper la lumière verte. Et on ne voit pas le passage piétonnier avant la toute dernière minute. Alors, c'est dangereux », croit la fille de M. Cierzo, Carmela, qui réclame des changements.

Chicane de juridiction

Dans la foulée de l'accident, les autorités de l'arrondissement de Lachine ont identifié le passage piétonnier en cause comme étant l'un des endroits du secteur où l'éclairage est problématique. On avait prévu faire des améliorations.

Mais depuis janvier, la rue Provost est passée sous la juridiction de la Ville de Montréal dans le cadre de la réforme du financement des arrondissements. « Par conséquent, rien n'a encore été fait pour corriger l'éclairage », déplore le coroner.

La seule modification que l'arrondissement a pu faire a été de changer les ampoules dans les lampadaires existants afin qu'ils soient plus brillants, indique une porte-parole, qui assure que des inspecteurs ont depuis jugé que l'éclairage était adéquat. Mais c'est maintenant à la Ville qu'appartient le pouvoir d'ajouter des lampadaires ou de la signalisation annonçant à l'avance un passage piétonnier, comme le souhaiterait Carmela Cierzo, et de se conformer aux autres recommandations.

« La Ville de Montréal a été saisie du rapport du coroner ce printemps et en analyse présentement les recommandations. La Ville est interpellée par les circonstances de cet accident et est à l'écoute de toute amélioration pouvant assurer une meilleure sécurité sur son réseau. La réponse de la Ville aux recommandations sera connue prochainement. », explique une porte-parole de la Ville.

Pour Carmela Cierzo, c'est beaucoup trop long. Surtout que ce n'est pas la première fois qu'un accident grave survient à cet endroit. Selon des données de la Société de l'assurance automobile du Québec, une collision entre un piéton et une voiture a fait un blessé grave en 2008 près de la même intersection.

« Les gens assument qu'ils sont protégés parce qu'il y a un passage piétonnier. Mon père était un homme responsable. Il n'aurait jamais traversé en dehors des intersections. Et il s'est fait frapper quand même. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Au niveau du passage piétonnier, la limite de vitesse est fixée à 30 km/h. Lors d'une visite de La Presse, il a été facile de constater que la plupart des conducteurs roulent au-delà de la limite permise.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Lino Cierzo est mort dans un accident de la route le 7 octobre 2014. L'enquête du coroner a révélé que l'éclairage était déficient à l'intersection. M Cierzo avec sa fille Carmela Cierzo.

Chronologie

7 OCTOBRE 2014, 20H30 : Lino Cierzo traverse la rue Provost, à Lachine. Une voiture le heurte. Le conducteur ne l'a pas vu à temps parce que l'endroit était trop sombre.

7 OCTOBRE, 21 H : Même si M. Cierzo n'a pas l'air blessé, les ambulanciers le transportent à l'hôpital. Il est agité. Les médecins diagnostiquent une fracture du bassin et une hémorragie interne.

8 OCTOBRE AU PETIT MATIN : Lino Cierzo est emmené en salle d'opération. Il ne se réveillera plus.

12 OCTOBRE : Lino Cierzo, 71 ans, meurt à l'hôpital cinq jours après l'accident.