Bernard Landry se désole du conflit au Journal de Montréal. Il s'en désole pour les personnes dans la rue, mais aussi parce que la diversité des sources d'information, toujours souhaitable en démocratie, s'en trouve atteinte.

Mais le Journal de Montréal continue d'être imprimé, note-t-on. Il n'en reste pas moins, répond M. Landry, qu'«il est plus rassurant de recevoir une information faite par des professionnels syndiqués, salariés et libres».

 

Pourquoi?

«Être chroniqueur (non syndiqué), poursuit-il, c'est une fonction très intéressante, mais on est à la merci du patron, et pour l'emploi, et pour le congédiement. Le syndiqué est à l'abri de représailles... sauf s'il rêve de devenir chroniqueur.»

Cela dit, M. Landry se désole de la personnification du conflit. «C'est dur, d'être chef d'entreprise. Pierre Karl Péladeau gère convenablement et intelligemment ses entreprises.»

Qu'en est-il des relations de travail? Bernard Landry relève que beaucoup plus de conventions collectives ont été renouvelées sans heurts qu'autrement.

Si le conciliateur au dossier ne bouge pas et ne tente pas d'approches, dit pour sa part Jean Cournoyer, ex-ministre du Travail, «c'est qu'il se dit sûrement que ce n'est pas la peine d'essayer maintenant. Il doit voir qu'il n'y a pas d'ouverture de part et d'autre.»

Des pertes d'emploi, il y en aura, enchaîne M. Cournoyer. «Il s'agit maintenant de négocier les indemnités de départ.»

C'est l'avenue que privilégie aussi M. Landry, qui croit que, pour le reste, bon nombre d'employés de bureau devraient pouvoir se replacer dans l'une ou l'autre des filiales de Quebecor.

Mais le problème de fond à l'heure actuelle, fait observer Jean Cournoyer, «c'est que Quebecor n'a pas besoin d'un règlement. Il produit le journal à moindre coût».

Selon Marc-François Bernier, professeur au département de communication à l'Université d'Ottawa, ce conflit perdure parce qu'on a laissé Quebecor devenir l'empire qu'il est et parce que le rapport de force s'en est trouvé brisé. «Il y a plusieurs années déjà, en vain, nous avions prévenu les parlementaires de la nécessité de mettre en place des mesures pour équilibrer les choses.»

Jean Cournoyer, lui, ne croit pas à de telles mesures. Les médias évoluent dans un libre marché, dans un contexte économique difficile, aussi. Or, dans un pays comme le nôtre, dit-il, on peut agir pour ce qui est des ondes, de la télévision, «mais le papier, on n'y peut rien, pas plus qu'on ne peut empêcher Shell de partir de Montréal».