Le propriétaire du pitbull qui a défiguré la petite Vanessa Biron doit être « isolé de la société » par une « peine sévère, peut-être même exemplaire », a fermement affirmé le juge Pierre Bélisle jeudi, après avoir reconnu coupable Karim Jean-Gilles de négligence criminelle causant des blessures. Or, le juge est tombé des nues lorsque la poursuite lui a suggéré d'imposer une peine de trois ans de pénitencier.

« Moi, je pensais à une peine plus sévère... Je pensais à plus que trois ans... Je vais regarder ça... », a-t-il rétorqué à la suggestion de la procureure de la Couronne Claudie Gilbert. Visiblement tiraillé, le juge a ajouté qu'un « message » devait être passé pour cet homme « sans foi ni loi » qui ne « respecte rien ni personne ». Comme l'a souligné MeGilbert, le juge n'est pas lié par cette suggestion, puisqu'il ne s'agit pas d'une entente avec la défense. Il rendra sa décision le 23 mars.

Toujours impassible dans le box des accusés, Karim Jean-Gilles, qui se défend seul, n'a rien dit pendant les observations sur sa peine. Perplexe, le juge a même jonglé un moment avec l'idée de lui imposer une évaluation psychiatrique.

Fait exceptionnel dans un procès criminel, l'accusé de 35 ans n'a présenté aucune défense et n'a contre-interrogé aucun des 12 témoins de la poursuite pendant le procès de deux jours à Longueuil. Il a seulement pris la parole mardi pendant quelques minutes lors d'une plaidoirie plutôt confuse dans laquelle il n'a pas directement parlé de l'agression.

Même si elle jure en avoir cherché, Me Gilbert n'a trouvé aucun « fait atténuant » en faveur de Karim Jean-Gilles, un constat rarissime.

Même si Karim Jean-Gilles n'était pas au parc Marquise de Brossard, le 20 septembre 2015, lorsque son chien Ashes a mordu au visage la fillette de 7 ans, il connaissait la « dangerosité de ses chiens de type pitbull » et n'a pris aucune mesure pour les contrôler », a soutenu le juge Bélisle dans sa décision.

Ses deux chiens terrorisaient le voisinage depuis des mois et se promenaient en liberté sans collier, muselière ou chaîne. De plus, la cour arrière de sa maison, où il habitait avec sa mère septuagénaire, n'était pas clôturée.

LA FAMILLE « TRÈS SATISFAITE DU VERDICT »

L'agression sauvage du pitbull de Karim Jean-Gilles a bouleversé la vie de Vanessa, maintenant âgée de 10 ans, et de toute sa famille, a raconté à la cour son père Bernard Biron. Fracture du crâne, muscle de la joue broyé, mâchoire fracturée en sept morceaux, glande salivaire arrachée, nerf facial arraché, canal interne de l'oreille détruit, main droite fracturée : les blessures subies par la fillette ont laissé des séquelles permanentes. Le côté gauche de son visage restera paralysé toute sa vie.

« Très satisfait du verdict », Bernard Biron a regretté que l'accusé ne se soit pas adressé à la famille quand le juge lui en a donné la chance.

Critiquée par Bernard Biron mardi pour avoir suspendu le règlement sur le contrôle des animaux, la mairesse de Montréal Valérie Plante a dit jeudi bien recevoir le jugement, réitérant que son administration entendait cibler les propriétaires plutôt qu'une race de chien. « Il y a des mauvais propriétaires d'animaux qui ne devraient pas en avoir. [...] Le problème, c'est souvent la personne qui tient la laisse. »

- Avec Pierre-André Normandin, La Presse

Karim Jean-Gilles.

Un multirécidiviste qui ne reconnaît pas l'autorité de l'État

Agression armée, conduite dangereuse, refus de donner ses empreintes digitales... Karim Jean-Gilles a été accusé dans toutes sortes de dossiers. Il a déjà été reconnu coupable d'une douzaine d'infractions criminelles, y compris pour avoir « provoqué la peur pour nuire à la justice pénale » en harcelant un juge. L'ex-agent immobilier est membre d'un groupe nord-américain hors la loi, les Freemen of the Land, qui ne reconnaît pas l'autorité de l'État. Notons qu'il n'en a toutefois pas été question pendant le procès.

Après l'attaque de Vanessa Biron par ses deux chiens, il s'était barricadé chez lui. Huit voitures de police avaient bouclé le quartier, et l'équipe d'intervention tactique avait dû défoncer la porte. Quand des accusations de négligence criminelle ont été déposées contre lui, 15 mois plus tard, Karim Jean-Gilles ne s'est pas présenté en cour. En janvier 2017, il a frappé un huissier venu le sommer de comparaître et a ensuite blessé les agents appelés en renfort. Il a reçu une peine de 28 mois de détention pour ce crime. Il aura droit à sa libération conditionnelle en juin prochain

- Marie-Claude Malboeuf, La Presse