C'est un Bertrand Charest abattu, mais sans réels remords, qui s'est adressé pour la première fois à ses victimes hier. Dans des excuses mi-figue, mi-raisin, l'ex-entraîneur de ski s'est dit « profondément désolé pour les torts qu'il aurait pu » causer aux neuf jeunes athlètes qu'il a agressées sexuellement dans les années 90. Son avocat a réclamé hier une peine maximale de six ans de détention, contre 12 ans pour la Couronne.

Debout dans le box des accusés, l'homme de 52 ans au crâne rasé se tourne vers la foule et fixe ses victimes, assises au premier rang. Il tient nerveusement une lettre manuscrite de quelques pages. Sa voix est chevrotante. Il nomme toutes ses victimes, dont l'identité est protégée, puis affirme avoir « tout fait » pour leur éviter un procès. Or, il ne pouvait plaider coupable à des actes qu'il « n'avait pas commis », dit-il.

« Je réalise qu'à 25 ans, je n'avais pas la maturité et tous les outils pour vous guider en passant 10 mois par année avec vous, loin de la maison. Je n'ai jamais eu l'intention et la volonté consciente de vous blesser », souffle-t-il, visiblement ému. Sa voix se casse quand il clame son « amour aussi vrai que sincère » pour deux des victimes. Puis, brisé, il craque presque en s'excusant auprès de ses enfants qu'il n'a pas vus grandir depuis 32 mois.

L'avocat de la défense Antonio Cabral a demandé à la cour hier, lors des observations sur la peine, d'imposer une peine de quatre à six ans de prison à son client. Bertrand Charest a été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement neuf jeunes athlètes âgées de 12 à 19 ans au moment des crimes commis entre mars 1992 et février 1998. Il a eu des relations sexuelles complètes avec quatre d'entre elles, dont une qu'il a incitée à subir un avortement. Il a fait appel du jugement cet été.

Ces relations sexuelles ont été faites dans des « circonstances amoureuses », sans manipulation et sans violence, a fait valoir Me Cabral. « Quelqu'un qui est dans un camp d'entraînement sur une longue période s'attache aux filles qu'il entraîne, et les jeunes filles développent des sentiments envers lui, et finalement, ça se termine par une relation sexuelle », a résumé l'avocat.

Un argument qui a semblé courroucer le juge Sylvain Lépine. « C'est quoi le message que le tribunal enverrait à toute la population du Canada, à tous les jeunes qui font du sport, sur le rapport avec les entraîneurs ? C'est quoi le message qu'on envoie ? », a lancé le magistrat.

L'insistance de l'avocat de Charest sur le « contexte amoureux » des crimes dans le contexte de proximité des camps d'entraînement n'a pas semblé convaincre le juge. « Ça vient excuser les gestes ? », a lancé le magistrat. « Non, c'est inacceptable. Ça vient expliquer les gestes, pas les excuser », a répondu Me Cabral.

L'ex-entraîneur de ski a vécu une vie « rangée » avec sa famille et ses enfants pendant des années sans commettre de nouvelles agressions, a fait valoir son avocat. De plus, son risque de récidive est « faible », voire « très faible », selon les experts.

Il est aussi un « atout pour la société » et se trouve « sur le chemin de la réhabilitation » a soutenu Me Cabral. « Où voyez-vous une amorce de réhabilitation dans les rapports ? », s'est questionné le juge. « M. Charest n'est pas fermé à la thérapie et reconnaît qu'il a des problèmes », a rétorqué Me Cabral.

La Couronne a réclamé la semaine dernière une peine d'emprisonnement de 12 ans pour l'ancien moniteur de ski. Selon la procureure de la Couronne Caroline Lafleur, Bertrand Charest est un homme narcissique qui nie toujours avoir besoin d'aide. Il considère que « ce n'est pas sa faute si les filles sont tombées en amour avec lui ». La peine maximale est de 14 ans pour ces crimes. Environ quatre ans de détention seront soustraits de sa peine en raison du temps passé en détention préventive.

En juin dernier, le juge Sylvain Lépine a reconnu coupable Bertrand Charest de 37 des 57 chefs d'accusation de crimes sexuels et d'abus de confiance portés contre lui. Le juge a qualifié l'ex-entraîneur de ski de « prédateur sexuel » cherchant à tout prix à assouvir son « plaisir sexuel » au détriment de ses jeunes athlètes mineures.

La défense s'est opposée à rendre publics les rapports psychosexuels et présentenciel. Le juge rendra sa décision à ce sujet le 8 décembre, au moment d'imposer la peine.