Dans la nuit du 22 juin 2013, après avoir consommé vin et cocaïne, en proie à ce qui aurait été une « psychose toxique », John Koulakis a tué son père de 76 ans, qu'il prenait pour le diable. C'est ce qu'une affiche de Bruce Lee lui avait confié, croyait-il. Vendredi, à Montréal, l'homme de 43 ans a écopé de neuf ans de prison pour son crime.

D'abord accusé de meurtre non prémédité, Koulakis fils a plaidé coupable à une accusation réduite d'homicide involontaire.

Vendredi, pendant que les parties faisaient leurs recommandations sur la peine, il avait l'air un peu halluciné dans le box des accusés, avec son regard ébahi et son apparent détachement. Il serait toujours persuadé, deux ans et demi plus tard, d'avoir tué le démon.

L'état mental de Koulakis a été évalué par des psychiatres après les faits. Il s'agit d'un cas frontière, difficile à évaluer, a fait valoir la procureure de la Couronne, Me Catherine Perreault. Les experts n'ont pas trouvé de signe clair de maladie mentale avant les événements, a-t-elle souligné. N'empêche que l'homme prend des antipsychotiques depuis, a fait valoir son avocat, Me Charles Montpetit.

RESTAURANT

C'est une bien triste affaire. La victime, Tony Koulakis, d'origine grecque, était une figure bien connue dans Notre-Dame-de-Grâce, où elle avait fondé le restaurant Cosmos. Elle demeurait à Saint-Laurent, et c'est là, dans le domicile familial, que le drame est survenu, cette nuit de juin 2013.

Selon le résumé présenté en cour, son fils John demeurait au sous-sol. Cette nuit-là, il est monté dans la chambre de son père, qui dormait. Il affirme avoir vu de l'énergie verte qui lui indiquait qu'il s'agissait du diable. L'adepte des arts martiaux est redescendu au sous-sol prendre un couteau. Entre-temps, son père s'est réveillé et s'est rendu dans la cuisine. Le fils est arrivé et a cru que c'était le démon qui était assis là. La face du démon était à la place de celle de son père, et le visage de son père était sur sa tête, selon lui.

« Que fais-tu, mon fils ? », se serait écrié Tony Koulakis.

« Tu n'es pas mon père », aurait répondu l'accusé en attaquant le vieil homme. Celui-ci a été poignardé et roué de coups. John Koulakis a ensuite traîné le corps au sous-sol et attaché les jambes de la victime avec du ruban gommé, dans le but de le charger dans une voiture et de s'en débarrasser. Il a aussi brûlé des photos et une montre de sa défunte mère, et cassé l'affiche laminée de Bruce Lee. Le bruit a alerté son cousin, qui demeurait en haut. Celui-ci a prévenu la police.

« J'ai pas tué mon père, j'ai tué le diable. C'est le sang du diable. Faites une autopsie, vous allez voir », est écrit dans la déclaration de John Koulakis faite aux policiers.

Lors d'une audience précédente, Nikki Koulakis, soeur de l'accusé, avait témoigné que le père aimait beaucoup son fils, mais pensait qu'il y avait quelque chose chez lui qui ne tournait pas rond. Malgré des accrochages occasionnels, le fils n'avait pas d'agressivité envers son père avant les événements fatidiques. « Mon père a travaillé toute sa vie, il a fait de son mieux. Mon frère a besoin d'aide, j'espère qu'il en aura », avait dit Mme Koulakis.

Les avocats des deux parties ont recommandé une peine de neuf ans, en raison des circonstances particulières du crime. Le juge a entériné cette recommandation en signalant qu'il s'agissait d'un cas très troublant.

Rappelons qu'un jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Bouchard-Lebrun, en 2011, a stipulé qu'un déséquilibre mental induit exclusivement par une consommation volontaire n'était pas considéré comme une maladie mentale au sens juridique.