Une étude préparée par le Bureau de l'enquêteur correctionnel affirme que le Service correctionnel du Canada (SCC) censure régulièrement les possibles erreurs ou lacunes documentées dans les rapports d'enquête envoyés aux proches de prisonniers décédés dans un centre de détention fédéral.

Dans un document publié mardi, l'ombudsman Howard Sapers indique que son bureau a comparé les rapports non censurés qu'il a reçus de SCC avec les versions hautement caviardées obtenues par huit familles en vertu des lois sur l'accès à l'information.

Selon l'étude, la pratique actuelle consistant à exclure les erreurs, les lacunes et le non-respect des politiques laisse peu de place à l'examen des faits par le public, à l'obligation de rendre des comptes et aux recours en justice.

Intitulé Laissés dans le noir, le document de 38 pages est le fruit d'une étude réalisée l'an dernier après que certaines familles se furent plaintes auprès du bureau de M. Sapers au sujet de leur difficulté à recevoir des renseignements concernant le décès d'un proche survenu en prison entre 2013 et 2015.

«Il est très difficile pour moi de conclure que tous les retraits que j'ai passés en revue durant cette étude étaient justifiés. Je crois qu'il y a certains retraits que le Service correctionnel du Canada devra expliquer», a déclaré Howard Sapers en entrevue.

Il y a eu 65 décès dans les établissements correctionnels fédéraux en 2015-2016.

Un message publié mardi sur le site web de SCC révèle que l'organisme procède présentement à l'analyse des conclusions de l'ombudsman et à l'élaboration d'une réponse.

Le SCC reconnaît «qu'il est possible de faire plus pour faciliter le processus de divulgation et veiller à ce que les familles en deuil aient facilement accès aux personnes ressources et aux services qui pourraient leur être utiles dans la collectivité».

«Par conséquent, nous prendrons des mesures pour assurer un niveau d'engagement approprié entre les membres de la famille et le personnel du SCC, les fournisseurs de services et les autres intervenants bien outillés pour aider et soutenir le proche parent lorsque les renseignements lui sont communiqués.»

L'étude de M. Sapers indique que le conseiller de son bureau a conclu que le caviardage de certains passages dans sept rapports préparés par un comité chargé d'enquêter sur les morts non naturelles changeait complètement le contexte de l'information fournie.

Mais le document soutient que l'aspect le plus préoccupant est le retrait d'extraits délicats qui pourraient mettre en cause des représentants de SCC n'ayant pas suivi les politiques.

Howard Sapers dit croire que cette censure équivaut à une mauvaise utilisation des lois sur l'accès à l'information et la vie privée, étant donné que la décision de divulguer ou non les renseignements d'intérêt public est laissée à la discrétion du commissaire de SCC.

D'après M. Sapers, il existe des raisons légitimes pour caviarder les rapports remis aux familles, comme protéger la vie privée des compagnons de cellule du défunt ou éviter la publication de renseignements qui pourraient compromettre l'enquête. Il a cependant ajouté que les retraits devraient être réduits au minimum et ne devraient pas empêcher les proches de savoir si la direction de l'établissement a adopté des mesures pour prévenir les décès.

Le SCC s'est défendu en affirmant, dans un courriel, qu'il appliquait les dérogations «lorsque cela est nécessaire» et que chaque document est révisé sur une base individuelle.

«Certaines informations au sujet d'erreurs possibles ou de non-respect des politiques peuvent être expurgées lorsqu'elles sont personnelles, peuvent compromettre la sécurité de l'établissement ou représentent des avis ou des recommandations (élaborées pour ou par une agence gouvernementale ou un ministère)», a écrit la porte-parole.

L'étude de l'ombudsman formule neuf recommandations, dont l'une réclamant que les rapports médicaux sur les morts naturelles et les rapports d'enquête sur les morts non naturelles soient systématiquement communiqués aux familles.