Un réseau de voleurs d’identité a frappé un grand coup il y a quelques années : mettre la main sur les informations de plus de 60 000 enseignants québécois. L’un des pirates, Frédéric Lapointe, a été condamné mardi à deux ans, moins un jour, d’emprisonnement ferme.

« Il a joué un rôle important dans le système global frauduleux et n’était pas un acteur marginal au rôle limité », a conclu la juge Suzanne Costom mardi au palais de justice de Montréal, en rejetant la demande de prison à domicile de la défense. La Couronne réclamait quatre ans de pénitencier.

Frédéric Lapointe, 44 ans, n’était « manifestement pas le cerveau » de cette affaire et a agi sur les « instructions » de complices, retient la juge Costom. Cependant, le pirate a accédé à plusieurs reprises aux informations contenues dans la banque de données gouvernementales ICARE (Information sur la classification académique reconnu du personnel enseignant) en échange de quelques centaines de dollars par mois.

Selon la preuve, Frédéric Lapointe s’est connecté à plusieurs reprises, entre octobre 2017 et avril 2018, sur le site internet du système ICARE. Il utilisait une application permettant de masquer son adresse IP. Ce système contient toutes les informations de tous les enseignants actifs et retraités au Québec. Une véritable mine d’or pour les voleurs d’identité.

Frédéric Lapointe détenait chez lui les identités de plus de 62 000 enseignants, dont le profil de 51 400 enseignants (tous des hommes) avec leur numéro d’assurance sociale et leur date de naissance. Dans des fichiers Word, il avait 11 361 profils/identités avec une pléthore d’informations : nom, numéro d’assurance sociale, sexe, date de naissance et employeur.

Frédéric Lapointe a travaillé pendant 8 à 9 ans comme chauffeur pour une agence d’escortes dans les années 2010, avant de retourner dans le secteur de l’aéronautique. Il avait alors de gros problèmes financiers. C’est dans ce contexte qu’il a rencontré une personne qui lui a proposé de payer pour qu’il conserve les données au cœur de l’affaire. Il recevait ainsi 700 $ chaque mois.

Également, Frédéric Lapointe recevait des appels de personnes non identifiées lui demandait de récupérer des données sur une clé USB ou sur le système ICARE. On lui remettait alors un mot de passe et des instructions pour naviguer dans le système. Il recevait 200 à 300 $ pour exécuter ces demandes.

Frédéric Lapointe a aussi créé de fausses cartes d’identité retrouvées chez lui.

Notons que l’enquête n’a pas permis de démontrer un lien entre les données trouvées chez l’accusé et un acte de fraude spécifique.

Les vols d’identité visant les enseignants ont eu des impacts bien concrets. Un enseignant a témoigné avoir vécu un stress « considérable » en recevant des appels d’agences de recouvrement et des appels de sa banque. Il n’a pas subi de perte financière. Un autre enseignant qui s’est fait usurper son identité relate que sa carte de crédit a été bloquée alors qu’il voyageait aux États-Unis. Il témoigne avoir vécu une « grande inquiétude ».

Précisons que la preuve n’établit pas clairement de lien entre ces deux victimes et les données trouvées chez l’accusé.

Selon le rapport présentenciel, Frédéric Lapointe présente un risque de récidive faible. Il est dépeint comme un homme maintenant « travaillant, mature et responsable » qui s’est éloigné des « mauvaises influences ». Cependant, il aurait intérêt à approfondir sa réflexion, selon la rédactrice du rapport.

Après son arrestation en 2020, Frédéric Lapointe a travaillé partout dans le monde, en effectuant des contrats aux États-Unis, en Allemagne et en France. Formé en montage de structure aérospatiale, il travaille en ce moment dans une entreprise d’aéronautique de Mirabel.

« Nous sommes satisfaites de la décision rendue par le Tribunal qui a insisté sur l’ampleur du vol d’identité dans ce cas-ci et surtout sur les conséquences subies par les victimes d’usurpation d’identité », a réagi la procureure de la Couronne MSarah-Audrey Daigneault, qui a fait équipe avec MGeneviève Bélanger.

L’accusé était défendu par MAlexandre Paradis.

Un autre accusé dans cette affaire, le Montréalais Rath Pak, devrait recevoir sa peine plus tard cette semaine.