Johra Kaleki savait qu'elle avait mal agi avec sa fille de 19 ans, le 13 juin 2010. «Je sais que j'ai commis un crime. Si ma fille survit, elle va être une personne plus sage. Je prie pour qu'elle soit une meilleure personne.»

C'est notamment ce que Mme Kaleki a dit lorsqu'elle a été interrogée par un enquêteur de la police Montréal, une douzaine d'heures après avoir été arrêtée pour avoir apparemment tenté de tuer sa fille avec un couperet.

La vidéo de cet interrogatoire est présentée depuis hier au juge Yves Paradis, dans le cadre du procès de Mme Kaleki. Le magistrat doit décider si cette déclaration est admissible en preuve. L'avocate de la défense, Isabel Schurman, soutient que l'accusée avait l'esprit dérangé quand elle a dit des choses incriminantes après l'événement. Pour étayer sa théorie, elle a retenu les services de la Dre Dominique Bourget. Cette psychiatre, qui a témoigné avec succès pour la défense au procès de Guy Turcotte, sera appelée à la barre un peu plus tard cette semaine.

L'interrogatoire de Mme Kaleki dure quatre heures. On en a vu la moitié hier. La femme parle la plupart du temps d'un ton calme et répond aux questions qui lui sont posées. Il lui arrive aussi de pleurer, parfois abondamment.

Originaire de Kaboul, en Afghanistan, elle s'est mariée à 17 ans. Elle a eu quatre filles avec son mari, qu'elle adore. Ils sont venus s'établir au Québec. Elle se trouve bien dans son pays d'accueil, car les femmes ont des droits, peuvent s'instruire et se sentent «protégées par le gouvernement et la police».

De confession musulmane, Mme Kaleki se décrit comme une femme religieuse, qui prie cinq fois par jour. Elle ne boit pas, ne fume pas et veut inculquer ses valeurs à ses filles. Celles-ci ne peuvent pas sortir le soir, n'ont pas le droit de fréquenter des garçons et ne peuvent évidemment pas avoir de relations sexuelles avant le mariage.

Misères de l'adolescence

Plus jeune, Bahar était une bonne fille. Mais elle est devenue plus sauvage à l'adolescence. Il lui arrivait de manquer des cours pour aller au centre commercial avec des amis. Lorsqu'elle a commenté à fréquenter le collège Vanier, c'est devenu pire. Mme Kaleki a découvert avec horreur que sa fille fumait. «J'ai manqué faire une crise cardiaque», a-t-elle dit. Mais ce n'était que le début. Elle s'est mise à se maquiller beaucoup. Elle parlait au téléphone avec des garçons. Et puis, un soir, Bahar est revenue ivre à la maison. Mme Kaleki la sermonnait, lui parlait pendant des heures. Bahar disait «oui, oui» mais n'en faisait qu'à sa tête.

Le 13 juin 2010, Bahar est rentrée à la maison à l'aube. Son père l'a apostrophée à l'extérieur. Mme Kaleki est descendue de sa chambre et a dit à son mari de la laisser faire, qu'elle allait s'en occuper. Elle a demandé à Bahar de descendre au sous-sol, pour ne pas réveiller la maisonnée. Le drame serait survenu peu après. Bahar a été blessée, mais elle a survécu.

«Ils [les avocats] m'ont dit de ne rien dire, mais je vais vous dire ce qui est arrivé. Je n'ai jamais menti à personne. Si je vais en prison, je veux y aller comme une personne fière, pas comme une poltronne», a dit Mme Kaleki à un certain moment.

Le procès se poursuit aujourd'hui.