Une seule voie de circulation. Pas de stationnement. Des trottoirs élargis. Et une vue magistrale sur le mont Royal. L'administration Plante a présenté sa proposition pour le réaménagement de la rue Sainte-Catherine Ouest, un plan de 123 millions qui fera une plus grande place aux piétons.

Ouverture sur le mont Royal

Paradoxalement, la « pièce maîtresse » du projet de réaménagement de la rue Sainte-Catherine concerne davantage l'avenue McGill College, qui deviendra piétonne. La mairesse Valérie Plante a indiqué qu'elle comptait profiter des travaux dans le secteur pour revoir la vocation de cette artère où le débit de circulation est relativement faible. « Notre révélation, c'est la place McGill. Ce sera un point de rencontre sur la rue Sainte-Catherine, ce sera l'hyper centre de la métropole », a dit la mairesse. La place s'étendra de Sherbrooke, au pied de l'Université McGill, jusqu'à la Place Ville Marie. Elle couvrira ainsi une superficie de 12 000 m2, soit trois fois la place Jacques-Cartier, prisée des touristes dans le Vieux-Montréal. « Ça va nous permettra de nous approprier la vue sur le mont Royal, qui est inexploitée », a souligné Valérie Plante. Pour prévoir l'aménagement, une consultation publique aura lieu au cours de l'hiver et du printemps 2019. Les travaux devant se coordonner avec ceux du REM, ils ne débuteront pas avant 2022.

Une voie de circulation

La rue Sainte-Catherine passera de quatre voies (deux de circulation et deux de stationnement) à une seule voie, sans possibilité de se garer. Celle-ci sera nettement plus large qu'à la normale, avec ses 6,2 mètres. Elle permettra ainsi aux véhicules de se ranger à droite pour de courtes périodes, comme pour faire une livraison, laisser ou prendre un passager. Les autres véhicules pourront aisément les contourner par la gauche, évitant les entraves. Deux caniveaux seront aménagés dans la voie pour inciter les automobilistes à rouler au centre et non à deux voies de large. À noter, il n'y aura pas de piste cyclable : les automobilistes devront partager la voie avec les cyclistes, l'espace étant jugé assez large avec ses 6,2 mètres. La vitesse sera par ailleurs limitée à 30 km/h. Malgré ces changements, on estime que le débit de voitures devrait demeurer le même. Montréal s'attend à ce que le trop-plein de circulation se retrouve sur Sherbrooke.

Fini le stationnement sur rue

Le stationnement sera repensé, puisque les deux voies de stationnement en rive de la rue Sainte-Catherine disparaîtront, entraînant la disparition de 144 cases. La Ville estime que l'impact sera marginal puisqu'on recense 12 500 places hors rue dans les parcs de stationnement se trouvant dans le secteur. Pour faciliter la vie aux automobilistes, on compte miser sur l'implantation de 139 panneaux de jalonnement dynamique, qui permettent de localiser les stationnements disponibles. Une application mobile permettant de trouver facilement où se garer sera aussi créée. « Il serait utopique de penser que tous viendront en transport collectif. Il faut aussi penser à ces gens », a indiqué François Croteau, élu responsable de la ville intelligente.

Trottoirs élargis

L'espace dégagé en retranchant le stationnement permettra d'élargir considérablement les trottoirs. Ceux-ci seront élargis de 60 %. À terme, ils occuperont 70 % de l'espace, de façade à façade. Les trottoirs seront faits en pavés de béton avec des bordures de granit afin de s'arrimer avec l'aménagement du Quartier des spectacles. Montréal juge essentiel d'élargir les trottoirs, leur largeur actuelle étant nettement insuffisante. On recense 6000 piétons par heure lors des fortes périodes d'achalandage. Les Vendredis fous, qui marquent le début de la frénésie du magasinage des Fêtes, l'achalandage peut même atteindre jusqu'à 8000 piétons à l'heure. « 70 % de l'achalandage de la rue est piéton. Il fallait repenser la configuration de la rue », a souligné Valérie Plante.

Exit les trottoirs chauffants

S'ils seront plus larges, les trottoirs ne seront pas chauffés, comme le prévoyait l'administration Coderre. L'équipe de la nouvelle mairesse a décidé d'évacuer l'idée d'implanter un dispositif pour éliminer la neige durant la saison froide. Trop cher pour un impact limité, évalue la mairesse. « C'était somme toute coûteux, à 20 millions seulement pour les trottoirs. Et pour éviter les flaques d'eau aux intersections, il aurait fallu chauffer la route. Alors on a décidé de laisser de côté l'effet bling-bling », a dit Valérie Plante. L'opposition a toutefois vivement déploré la disparition des trottoirs chauffants du projet. « Ça aurait démontré que Montréal est unique en Amérique du Nord. On aurait été une destination hivernale unique. C'est un projet qui manque d'audace », a déploré Lionel Perez, chef d'Ensemble Montréal.

Photo fournie par la Ville de Montréal

Aperçu de la future place McGill.

Mobilier repensé

Les trottoirs élargis permettront également d'améliorer l'aménagement de surface. De aires de repos et de petites places publiques pourront être implantées. Du mobilier « urbain distinctif » sera mis en place. Des luminaires intelligents seront érigés et du WiFi gratuit sera accessible. La rue sera plus verte aussi alors qu'on prévoit planter 95 arbres dans des fosses spécialement conçues pour assurer leur croissance optimale, soit un arbre tous les 9 mètres. L'aménagement actuel permettait la présence de 70 arbres, mais il n'en reste plus que 28, la majorité n'ayant pas survécu aux rigueurs du centre-ville.

Réduction des impacts

Les travaux devant durer quatre ans pour cette première phase, Montréal mettra de l'avant plusieurs mesures pour soutenir les commerçants afin d'éviter de voir la principale rue commerciale de la métropole mourir. On investira 4,9 millions pour soutenir les commerçants durant les travaux. Ainsi, on accordera 2 millions pour animer la rue afin de maintenir l'achalandage et qu'elle demeure attrayante.

Un million pour la promotion commerciale viendra souligner l'offre commerciale sur la rue qui continue malgré les travaux. Un programme d'aide aux commerçants, doté d'une enveloppe de 1,3 million, sera aussi créé pour les inciter à rénover leurs locaux. Les subventions pouvant aller jusqu'à 320 000 $ permettront de couvrir 40 % de la facture des travaux. Enfin, 600 000 $ iront au développement économique et pourront servir à faire des études.

Calendrier des travaux

• Janvier 2018: début des travaux

• Été à décembre 2018: travaux dans la portion entre Mansfield et Peel

• 2019-2020: travaux les plus lourds, pour la portion entre Peel et Bleury

• Décembre 2020: lot 2, soit square Phillips et rues avoisinantes

• À partir de 2022: après la réfection de ce tronçon, Montréal prévoit refaire la portion entre Atwater et Mansfield

***

Photo fournie par la Ville de Montréal

Le futur square Phillips.

Objectif: redonner son lustre à Sainte-Catherine

Au-delà du béton, des arbres et du mobilier urbain, le projet de réaménagement de la rue Sainte-Catherine a un objectif ambitieux : redonner son lustre à la principale artère commerciale de Montréal. En améliorant l'espace destiné aux piétons, la mairesse Valérie Plante veut faire de la rue l'une des principales attractions touristiques de la métropole.

Pour Valérie Plante, la rue Sainte-Catherine a perdu de son attrait au fil du temps. « Le centre-ville n'est plus ce qu'il était. D'un point de vue commercial, le centre-ville ne représente plus que 10 % de l'activité de la région. On est loin des 40 % d'il y a quelques décennies. »

Signe de son aspect quelconque, l'artère est relativement peu populaire auprès des touristes. « Seulement 60 % des touristes visitent le centre-ville lorsqu'ils viennent à Montréal et ils n'en gardent pas un souvenir mémorable. On veut augmenter cette proportion à 80 % », a-t-elle dit. Valérie Plante dit vouloir hisser la rue Sainte-Catherine parmi les trois principales attractions touristiques de la métropole, avec le Vieux-Montréal et l'oratoire Saint-Joseph.

La mairesse ambitionne d'en faire une rue aussi emblématique pour Montréal que La Rambla pour Barcelone ou la 5th Avenue pour New York. « N'ayons pas peur d'être ambitieux, de se mesurer aux plus grandes artères commerciales du monde », a-t-elle dit.

L'opposition à l'hôtel de ville ne s'est pas dite convaincue que le projet réussira à atteindre cet objectif. « Pour nous, Sainte-Catherine était beaucoup plus un projet de développement économique qu'un simple projet de réaménagement urbain », a dit Lionel Perez, chef d'Ensemble Montréal.

Le retrait des cases de stationnement envoie un mauvais signal, selon l'opposition. Si 144 cases disparaissent dans cette phase des travaux, tout indique qu'on voudra faire de même plus à l'ouest dans la phase deux de la réfection de l'artère, ce qui mènerait à la disparition d'un total de 484 cases. « Ils sont en train de dire à un important pourcentage que s'ils veulent venir, ils ne sont pas les bienvenus », a dénoncé M. Perez.

La décision d'inclure une seule voie est aussi risquée, ajoute l'opposition, qui estime que ce scénario prive la Ville de flexibilité.