Surutilisés, pas assez entretenus. Les 1500 terrains sportifs de Montréal se dégradent rapidement, au point que certains pourraient devenir inutilisables, révèle un vaste diagnostic réalisé par la Ville.

L'administration Plante a déposé cette semaine la version préliminaire du plan directeur du sport et du plein air. L'exercice a permis de brosser un portrait inédit de l'état des surfaces de jeu dans les parcs de la métropole, comme les terrains de soccer ou de baseball. Et le portrait est loin d'être réjouissant, Montréal concluant à un déficit d'entretien généralisé. « Si rien n'est fait pour corriger la situation, plusieurs terrains sportifs extérieurs ne seront plus utilisables à moyen, et même à court terme », peut-on lire. Responsable des sports au sein de l'administration Plante, Hadrien Parizeau admet avoir été étonné par le sombre portrait. « C'est vraiment surprenant. Au moins, on sait maintenant sur quoi travailler », dit l'élu. Une consultation publique doit avoir lieu d'ici la fin de l'été afin de déterminer les priorités pour corriger le tir.

DES TERRAINS DE SOCCER TROP UTILISÉS

De toutes les surfaces de jeu, les terrains de soccer sont sans contredit celles qui se dégradent le plus rapidement. Signe de leur surutilisation, les 353 surfaces vouées au ballon rond dans l'île servent à offrir un total de 16 300 heures de jeu par semaine. Pour éviter une dégradation accélérée, Montréal évalue qu'il faudrait les utiliser au maximum 7300 heures. Une analyse faite par 11 des 19 arrondissements a révélé que seulement 38 % des surfaces naturelles étaient en « bon » état. « Le réseau des terrains de soccer montréalais montre les signes d'une importante détérioration », constate le rapport. À noter, le soccer est de loin le sport organisé le plus populaire, alignant plus de 28 000 joueurs fédérés (sans compter, donc, les ligues amicales).

PAS DE MANQUE DE TERRAINS DE BALLE

Avec 163 terrains de balle, la Ville de Montréal estime qu'elle ne manque pas de surfaces de jeu pour accueillir les 11 000 joueurs de baseball de l'île. « Le total d'heures de disponibilité des terrains de balle est théoriquement suffisant pour répondre à la demande des équipes montréalaises », peut-on lire dans le rapport. Seulement voilà : de nombreuses surfaces sont en mauvais état, beaucoup ayant des problèmes de drainage, si bien que d'immenses flaques d'eau peuvent les couvrir par moments. Montréal évalue ainsi que certains « terrains sont vétustes, peu sécuritaires et peu invitants ».

ENTRETIEN INSUFFISANT

Avec un budget de 166 millions pour les parcs et les terrains de jeux, Montréal estime investir trop peu dans l'entretien de ses installations sportives. L'entretien minimal, qui consiste par exemple à couper le gazon au moins une fois par semaine, fréquemment niveler les surfaces de jeu ou remplacer des ampoules sur les lampadaires, n'est souvent pas réalisé. La métropole calcule qu'elle dépense 3,84 $ par mètre carré de terrains sportifs, ce qui est nettement insuffisant. La Ville estime qu'un terrain de soccer naturel nécessite plutôt un investissement de 5 à 6 $ le mètre carré, tandis qu'un terrain de balle en coûte de 6 à 7 $ et les terrains de tennis, de 7 à 8 $.

DURÉE DE VIE RACCOURCIE

Ce manque d'entretien entraîne de graves conséquences et finit par alourdir la facture de la Ville, qui doit remplacer ses installations plus fréquemment. Un terrain de soccer naturel bien entretenu peut servir sept ans avant que sa surface ne soit à refaire. En l'absence d'entretien, le tout ne dure que deux ans, indique la Ville. Même les terrains synthétiques doivent être entretenus pour durer dix ans comme prévu, sans quoi leur surface est à refaire au bout d'à peine six années. « Un déficit d'entretien a donc pour conséquence d'augmenter considérablement les investissements à réaliser afin d'offrir aux Montréalais des plateaux sportifs de qualité », note la Ville. En entrevue, Hadrien Parizeau indique que l'administration prévoit augmenter les fonds alloués à l'entretien pour freiner la dégradation des terrains.

MANQUE D'AIRES DE SERVICES

Les problèmes ne touchent pas uniquement les plateaux sportifs. En menant son diagnostic, la Ville a également constaté le mauvais état de ses 255 chalets et pavillons de service, où les sportifs peuvent se changer, se doucher ou simplement aller aux toilettes. Le tiers des installations sont jugées vétustes, la situation étant particulièrement pénible dans certains secteurs. C'est notamment le cas à Outremont, où l'indice de vétusté atteint les 96 %, ainsi qu'à Saint-Léonard (57 %) et le Sud-Ouest (56 %). « Le réseau des aires de services accuse un vieillissement important et plusieurs de ces aires sont désuètes et vétustes. En conséquence, plusieurs chalets de parc et pavillons nécessiteront des travaux », souligne le rapport.

IMPACT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Dans son rapport, Montréal note que les changements climatiques ont également des répercussions sur les surfaces de jeu. En analysant les données météorologiques depuis 1955, la Ville évalue que la saison estivale a augmenté de 9 jours. Ceci entraîne une pression accrue sur certains équipements, leur utilisation devant être prolongée pour répondre à la demande. À l'inverse, l'hiver se fait de plus en plus court. La période d'enneigement est passée de 103 à 73 jours en moyenne par hiver. Les épisodes de gel-dégel ont augmenté de 29 % depuis 1942. Et une hausse des températures de 2 à 4 °C étant prévue d'ici 2070, les changements risquent de s'accentuer encore. Montréal évalue que la période d'enneigement pourrait être réduite encore de 45 à 65 jours. La Ville émet même un pronostic inquiétant : « Au rythme où le climat se réchauffe, d'ici 2050, les hivers ne seront plus assez froids pour entretenir les patinoires extérieures. »