Le Haut Conseil pour le climat en France vient de publier une feuille de route qui permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du « système alimentaire ». Au menu : une réduction de 30 % de la consommation de viande aiderait à réduire les émissions du secteur agricole de 50 % d’ici 2050.

Décarboner le « système alimentaire »

PHOTO PATRICK WOODBURY, ARCHIVES LE DROIT

La climatologue québécoise Corinne Le Quéré

Le Haut Conseil pour le climat en France, l’équivalent du Comité consultatif sur les changements climatiques au Québec, a dévoilé jeudi un important rapport portant sur la décarbonation du « système alimentaire » dans l’Hexagone. Cet organisme indépendant, présidé par la climatologue québécoise Corinne Le Quéré, est chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat et de faire des recommandations au gouvernement français. Le rapport de 168 pages intitulé Accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas carbone, résilient et juste présente sept recommandations visant à réduire les émissions du secteur agricole. Un rapport publié par ailleurs en pleine crise nationale avec les agriculteurs, qui multiplient les coups d’éclat pour se faire entendre du gouvernement, notamment au sujet des « contraintes environnementales ».

Les émissions agricoles les plus élevées d’Europe

PHOTO JEAN-FRANÇOIS MONIER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Moissonneuse-batteuse à l’œuvre dans un champ de blé de la région du Mans, dans le nord-ouest de la France

L’empreinte carbone associée à l’alimentation en France est estimée à 2,1 tonnes d’équivalent CO2 par habitant, dont 51 % proviennent de la consommation de produits d’origine animale. À noter qu’au Québec, celle-ci pointe à 1,5 tonne par habitant. Les émissions françaises de GES du « système alimentaire » représentent 22 % des émissions totales. « D’ici à 2050, l’essentiel des émissions résiduelles de gaz à effet de serre de la France devrait se concentrer dans le secteur de l’agriculture », conclut le rapport d’experts. Fait à noter, la France a les émissions agricoles les plus élevées parmi les 27 membres de l’Union européenne.

30 % moins de viande pour réduire de 50 % des GES

PHOTO MARLENE AWAAD, ARCHIVES BLOOMBERG

Entrepôt de carcasses de porcs au marché de Rungis, grossiste qui approvisionne Paris et sa région

Selon les experts français, « une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole à l’horizon 2050 est réalisable, à condition d’être accompagnée d’une baisse d’au moins 30 % de consommation de produits d’origine animale ». On signale aussi qu’on pourrait « se rapprocher davantage de la neutralité carbone du secteur agricole » […] « avec des hypothèses plus ambitieuses sur l’ensemble des leviers, dont la consommation alimentaire ». Le Conseil ne recommande pas cependant de réduire la consommation de viande de 30 %, mais suggère plutôt d’adopter des politiques publiques qui permettraient de mettre en place « un système alimentaire bas carbone ».

La faute aux bovins

PHOTO YVES HERMAN, ARCHIVES REUTERS

Bovins dans un pâturage de Givonne, dans le nord-est de la France

Fait à signaler, 85 % des émissions de GES du secteur agricole en France sont constituées de méthane et de protoxyde d’azote, « dont le pouvoir de réchauffement global est plus élevé que celui du dioxyde de carbone (CO2) », note le rapport. Les émissions associées à l’élevage d’animaux comptent pour 59 % des émissions du secteur agricole. Dans l’ordre, c’est l’élevage des bovins (83 %) qui est le plus polluant, suivi du porc (6 %) et de la volaille (moins de 1 %). Le reste des émissions regroupe différents élevages, dont les équidés et les lapins.

Soutenir les agriculteurs

PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une passante agite un drapeau français alors qu’un convoi de tracteurs traverse Agen, dans le sud-ouest de la France.

Les experts du Haut Conseil pour le climat insistent par ailleurs pour ne pas laisser les agriculteurs en plan dans cette transition vers une alimentation faible en carbone. On propose notamment la revalorisation des revenus des agriculteurs et des éleveurs pour soutenir et accompagner leurs changements de pratiques. « Transformer le système alimentaire pour répondre aux défis auxquels il fait face – difficultés socio-économiques, santé climat, environnement – nécessite une stratégie et une politique économique de long terme pour donner une vision claire des évolutions souhaitables pour les producteurs comme pour les consommateurs », a précisé Corinne Le Quéré, en marge de la publication du rapport.

Consultez le rapport du Haut Conseil pour le climat